Croiser une DS Noire
rappelle immédiatement un lot d’images préconçues: Présidents pressés, banquettes en cuir fauve, phares qui tournent…
Citroen DS
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Elle est aussi familière aux français que le mauvais caractère des serveurs parisiens. Pourtant, rare est l’occasion d’en prendre la volant. Je n’ai donc pas fait le difficile quand j’ai eu la possibilité de vous présenter l’essai de cette version de 1972: Une Citroen DS Super 5. De la version originale du salon de Paris 1955, elle en a gardé la silhouette et semble avoir oublié tout ce qui en faisait l’attrait: le tableau de bord est désormais noir mat, les phares sont masqués sous une bulle à la forme agressive, la ligne de caisse est ceinturée d’un bandeau d’inox…
Pour la plupart des puristes automobiles, dont je me revendique, il est naturel de dénigrer ce genre d’enfant tardif, préférant une Healey 100/4 à une BJ8, ou une Type E série 1 à une V12.
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Il est impossible de dater cette fusée noire qui est couchée devant nous.
.citroen ds
Pourtant la DSuper a un truc, on dirait qu’elle a tenté de se policer sans y parvenir. La ligne fuselée qui était auparavant datée par ses optiques circulaires prend maintenant une allure totalement intemporelle, la coque noire et la sellerie rouge lui donnent un air moins présidentiel, un air plus… Rock, en un instant, vous êtes Brian Johnson ou Dave Davies…
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De nombreux détails sont superbes: les poignées de portes, les habillages des montants arrières, les petits feux de stop ou les clignotants. L’inox brut s’associe a la carlingue noire pour lui conférer un aspect spécial encore dans le coup en ce début des années 70.
En rentrant dans la détails, même les techniques d’assemblage laissent admiratif, la lunette arrière maintenue en place par des petites pâtes en acier, les ailes tiennent avec un seul boulon, les portes qui n’ont pas de montants, le mécanisme des phares qui tournent dans les virages…
Il est temps de monter à bord. J’y trouve ce que je redoutais: L’intérieur est bien moins sympa qu’avant. Noir vermiculé de partout, les boutons font semblant d’avoir de l’élégance en arborant une peinture gris métallisé qui s’use en passant le doigt dessus, il n’y a pas de ciel de toit en tissus mais une coque en plastique… La DSuper5 est une version dépouillée de la DS.
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Je reste cependant ébahi devant le dessin du chauffage, puis par l’absence de revendication des gimmicks technologiques chers à Citroën: La moindre Mégane s’affuble, tel un walkman japonnais des années 80, de la mention de tout ce qui peut y être intégré allant jusqu’à écrire en énormes lettres blanches sur ce tableau de bord tout noir « Détecteur de mauvaises odeurs ». Bref… on s’attend à ce que le levier magique, celui qui gère la hauteur de la voiture, se trouve en plein milieu du tableau de bord, un gros levier, rouge.
Et bien il n’en est rien. Il faut regarder un peu partout avant de le trouver, sous le tableau de bord, près du peu pratique frein à main à pied.
Au moment de m’asseoir, le siège en mousse Dunlopilo m’avale littéralement. Il n’en dépasse que mes avant bras et mes pieds. Si l’on excepte cette sensation d’être une tranche de fromage dans un cheeseburger, la position de conduite assez haute est plutôt confortable car la hauteur de l’assise compense le désagrément des pédales sont trop proches du volant.
Trois coups de pompe sur l’accélérateur, un tour de clé et le 4 cylindres démarre, se positionnant d’emblée assez haut dans les tours.
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Lorsque son régime revient à la normale, petit à petit, la machine s’élève. A l’intérieur, c’est imperceptible, de l’extérieur, il est impossible de s’y habituer: la voiture se dresse sur ses pattes, comme émergeant d’un long sommeil.
Première, avec le levier de vitesses au volant, l’auto hoquette puis s’élance.
Jusqu’ici, c’est en fait une auto tout à fait banale.
Je redoute le moment de freiner avec ce fichu champignon dont tout le monde parle. Pourtant, a ma grande surprise, il a ici été remplacé par une pédale conventionnelle. Hélas, au premier carrefour, je m’aperçoit de la traîtrise: cette pédale est un leurre, elle n’a de course que quelques millimètres et actionne la monstrueuse machinerie hydraulique! Tout le monde l’a déjà dit: elle fonctionne trop bien. Les roues se bloquent, la voiture pique et s’affale sur ses roues avant, nos poursuivants, au volant d’une Clio, distraits par la DS, ont laissé 5 mètres de traces de gommes sur la route. 60 ans après, la fameuse pédale à encore frappé.
Afin d’éviter de raccourcir l’arrière de la voiture, nous nous échappons de la circulation dense de Nice pour partir vers les montagnes. Les routes deviennent de plus en plus étroites, mettant en exergue un détail important: la DS est une grosse voiture, elle mesure 4, 84 mètres de long et 1,8 mètres de large, c’est presque la taille du tout dernier Range Rover! Afin de palier à ce détail lors des nombreux croisements avec d’autres voitures, j’applique une technique de conduite ancestrale qui ne m’a jamais fait défaut: lorsqu’un usager arrive en face, je vise l’espace vide, je ferme les yeux et je serre le volant. Advienne que pourra.
Au fur et à mesure que la route monte et zigzague, les 4×4 se font de moins en moins nombreux, je peux commencer à conduire les yeux presque tout le temps ouverts. L’antédiluvien 4 cylindres de 2,1 litres à carburateur qui est las bas devant est loin d’être aussi neurasthénique que ça, il est rond, plein à tous les régimes, alerte et volontaire comme seuls les moteurs français savent l’être: Il ne vas pas dans tours comme un italien et qu’il n’a pas le couple d’un anglais, il ressemble à… un vieux moteur de 106 ou de 205.
Je commence à adopter un rythme soutenu, l’avant reste agrippé à la route, l’arrière le suit, l’auto est maniable bien que très isolée de la route: la suspension et la direction filtrent beaucoup trop. Puis je m’imagine de l’extérieur: la mollesse de la suspension fait prendre une gite exagérée à chaque virage tandis que mes accélérations et mes freinages font cabrer et plonger dans le bitume cet immense flèche noire. Nous n’avons strictement aucun style.
Petit à petit, la voiture impose son allure, rapide mais non saccadée
Citroën DS
Sur un rythme coulé, elle fait merveille. Toutes mes craintes s’envolent: Aucun mal de mer ne fait surface, les freins sont plutôt endurants, la suspension magique et la qualité de la plateforme permettent d’aborder n’importe quelle surface à allure soutenue, le moteur tient son régime avec la régularité d’un générateur, la DS semble posséder une détermination que rien ne peut stopper. Nos bustes se redressent enfin malgré ces sièges qui tentent de nous avaler.
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« La route défile il n’y a plus ni lignes droites interminables, ni bosses, ni virages, aujourd’hui encore, la DS remplit sa tâche avec brio: elle efface la route. »
Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’aucune autre auto n’a jamais autant contrasté avec la production automobile. Parfois je le regrette: les voitures modernes sont toutes remplaçables, elles n’étonnent plus personne, j’espère voir naître une nouvelle DS, mais ce gigantesque vaisseau hydraulique est déjà au paroxysme d’une certaine vision de l’automobile: il a totalement déconnecté l’homme de la machine et la machine de la route.
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Si vous souhaitez en posséder une, les dernières DS sont des autos qui peuvent rouler au quotidien sans problèmes. Ses pare chocs chromés ne sont cependant pas habitués au jeu de stock car que l’on peut rencontrer en ville aujourd’hui. Mais rassure vous: un pare choc de DS ne coûte pas une fortune, d’autant plus que les pièces détachées se trouvent facilement.
es principaux défauts découlent de sa fiabilité: pour fonctionner longtemps, elle a besoin d’être soignée: vidange régulière du circuit hydraulique, vidanges moteur et un point important: il faut la faire rouler afin d’éviter le vieillissement prématuré des joints, et autres caoutchoucs.
Le gros risque lors de l’achat d’une DS est la corrosion: elle dévore l’auto de partout: plateforme, carrosserie… Un conseil: Placez derrière la voiture, à environ un mètre, et tendez l’oreille, si vous entendez « crrRrrr » c’est qu’elle est en train de rouiller!
Enfin, sachez que les versions injection sont les plus puissantes et les plus fiables, mais aussi les plus sensibles et les plus chères. Le break, avec son design ahurissant est en train de devenir extrêmement rare et prend une côte incroyable. Privilégiez un modèle propre et roulant à un modèle à restaurer: le budget restauration est sans mesure avec la valeur finale de l’auto.
Histoire facultative |
Le salon de l’automobile de Paris tremble d’émoi en 1955 lorsque ce galet unique est présenté. Pensez! 25 ans plus tôt, CITROËN produisait encore la Trèfle (ou 5HP)! Pour comparaison, il s’agit du même laps de temps qui sépare la Peugeot 208 de son aïeule la 205. Traction Avant dessinée par le fidèle Flaminio Bertoni, la CITROËN DS est un condensé de solutions novatrices: Suspension hydropneumatique, boite de vitesses hydraulique, freinage hydraulique actionné par un champignon, direction assistée… Mais elle reprend le 4 cylindres 1,9 litres de la traction. Pour pallier à ce manque de puissance chronique, Citroën fait évoluer sa cylindrée et crée en 1966 la DS21. Les 106 chevaux de son moteur lui permettent mieux que jamais d’assumer son statut. La reine de la route changera son hydraulique l’année d’après passant au liquide vert,
moins corrosif, puis sera profondément redessinée en 1968. Notre DSuper 5 de 1972 est une évolution de la DS Confort. Elle en reprend le 2,1 litres à carburateur et tout l’équipement confort: Sellerie tissu, phares tournants, vitres triplex, baguettes de carrosserie, etc… Le 2175cc3 produit 106 chevaux à 5500 trs/min. La voiture monte à 175Km/H après avoir passé la barre des 100 en 13 secondes, elle pèse 1350 kgs, tandis que sa consommation reste raisonnable avec 7 à 8 litres de super. A noter que la plateforme boulonnée de la DS a donné lieu à de nombreuses séries limitées et autres one-off: Coupés et cabriolets Chapron, Berline à malle, break à dix roues, dépanneuse à six roues. Elle se retrouvera même entre les mains du préparateur américain Gene Winfield qui lui greffera un moteur 4 cylindre à plat de Corvair (le rêve de Citroën…) et en fera un coupé ultra cinématographique.
- Look trop vu mais trop cool
- Prends les dos d'âne à fond de cale
- Mécanique tournant comme un métronome
- Le conducteur est un figurant
- Machine à autoroutes (taille, absence de fun)
Au début on se demande si vous aimez la DS….mais au fil de l’article il semble que …peut être que oui…Un équipement pas super, plastique noir mat , voiture banale, les freins avec ce fichu champignon, comment dénigrer la DS préférant d ‘autres…
Ha ha!
Il faut voir l’article sous plusieurs angles: Tout d’abord, le modèle que nous essayons est une Super 5, c’est loin d’être la DS la plus fun de la série!
Ensuite, J’admire la prouesse d’avoir produit une telle auto en 1959. Aujourd’hui encore, elle est capable de faire passer une BMW série 5 pour une auto archaïque. Mais j’ai été élevé aux suspensions en bout de bois, aux directions à crémaillère non assistées, bref, aux automobiles simples et directes, qui se conduisent et non qui vous conduisent. Donc vous n’avez pas tort, la DS n’est pas ma tasse de thé!
bonjour je suis un grand fan de DS personnellement je possede une id19 de 1963 et une dsuper 5 que je restaure au plaisir de lire encore beaucoup de vos articles sur votre fabuleux site
merci
david de NICE
et là mes aventures de restaurateur
http://dsuper5.over-blog.com/
Bonjour,
Merci, et bravo pour vos autos!
Hugo
Toute ma vie j’ai rêvé de posséder une DS. Ce n’est qu’une fois en retraite, grâce à une prime de départ, que j’ai pu enfin en acheter une.
Une Dsuper de 1974….
Avant cet achat, j’avais plus de 1 600 000 km de conduite dans les bras de tout un tas de véhicules, y compris nos bons vieux chars AMX 13…
Alors depuis, le rêve est devenu réalité
C’est pourquoi je puis dire qu’il y a deux types d’êtres humains sur la terre:
– ceux qui ont eu le bonheur de conduire une DS : CEUX QUI SAVENT!
– ceux qui n’ont pas connu ce bonheur : CEUX QUI, HELAS, NE SAURONT JAMAIS…
Rien, mais rien à voir avec tout le reste de la construction automobile passée et actuelle…Rien!
Ce n’est pas une voiture, mais c’est LA voiture…
Je suis un espagnol farouchement , eperdument amoureux de cette sublime voiture. A mes 47 berges, je poursuis mon rêve , et c’est d’un jour pourvoirs m’offrir une Ds , si possible une 21 pallas millesime 67 en couleur gris palladium !!.
Il existe des oeuvres d’art qui ne sont pas dans les pinacotèques.
Ah vraiment voilà un bel article Hugo ! Je connaissais un peu la DS, mais grâce à votre plume j’en sais bien plus sur ce fameux fleuron et c’est comme si j’étais monté à bord quelques instant. Merci pour le voyage dans le temps. 🙂
Bonjour,
Tout je dois vous féliciter pour le niveau de l’article, c’est carrément excellent, ensuite merci de parler un peu des voitures retro ça change un peu et d’autant plus la DS le fleuron de l’automobile française. 😉
Merci et continuez !!!