La Land Rover S2 est une légende - Auto Reverse

Avec l’anniversaire de ses 70 ans, sa côte en collection qui commence à croître sérieusement et les nombreux ateliers qui se lancent dans le Restomod, cher lecteur, peut être est-il temps que vous trouviez, vous aussi, une raison pour posséder une Land Rover.

Comme beaucoup de passions, elle vous vient de votre enfance: La Land Rover diesel, kaki de votre père tandis que vous appreniez à marcher, la 88 bleue de votre prof de dessin loufoque au collège…

A l’âge adulte, la vie vous avait conduit vers d’autres loisirs. Certes, l’idée d’une Land Rover s’était représentée à vous quelques fois, mais votre portefeuille attention était alors entièrement accaparée par les petites sportives de la perfide Albion.

Puis, en 2009, alors que vous surfiez allègrement sur tous ces nouveaux sites d’images à la mode (tumblr, fancy,…), sa grosse trogne cubique vous a de nouveau sauté aux yeux, désormais comme une évidence.

Il était 3 heures du matin. Vous réveilliez votre compagne, qui se devait de partager votre enthousiasme:

Chérie, si on achetait une Land Rover?

« Qu’est-ce que tu vas faire d’un 4×4? On habite en plein centre-ville, tu veux rouler sur les jardinières? »

Grrr…

Pas faux. Sa perspicacité laconique, même à 3 heures du matin en phase de sommeil interrompu, vous surprendra toujours.

Land Rover vs Woman Acceptance Factor²

A la base, vous n’êtes pas le genre de personne à aimer la randonnée. Vous n’êtes d’ailleurs pas très friands non plus à  l’idée d’aller brûler du super sur des pistes abandonnées, juste pour le plaisir d’écraser des mottes de terre avec vos pneus à crampons. 

Mais tout autour de vous conjugue à vous laisser penser que c’est la seule chose qu’il vous faille.

Particulièrement votre paternel, qui lui aussi, couve secrètement l’idée de retrouver la Land Rover de votre enfance.

« Tu sais, le diesel qui a serré. En boite courte, je pouvais marcher à côt… »

Oui, je sais Papa…

Mais le quat’quatre, ce n’est pas Waf. A vous deux, il faut dire que vous avez déjà brûlé pas mal de cartes auprès de vos compagnes:

La Foret aux Type H avait installé un climat de doute.

L’Austin Healey américaine, définitivement décrédibilisé vos compétences en investissement automobile.

Puis était arrivée la Lotus Europe portugaise, surnommée « la poubelle noire ». Elle avait établi l’embargo automobile sous lequel vous étiez encore: pour qu’une voiture rentre, une doit sortir. De préférence, la Lotus…

En quête d’une Land Rover

Ensemble, en cachette, vous dessinez donc votre Land Rover idéale:

  • Modèle S2A, un des plus répandus, qui reste classique, mais n’a pas encore connu l’envol des prix de la série 1
  • Moteur 2L1/4 essence,
  • Produite avant 1969 pour avoir les phares dans la calandre.
  • Châssis 88, plus court et plus facile à utiliser que le 109.
  • 100% d’origine, patiné et de couleur vive: Light Green ou Marine Blue de préférence.
  • Budget max: 5 000 €, idéal, 3 000 €. C’est dans le bas de la fourchette. Mais vous avez du temps…

Le marché de la Land Rover

Les côtes

La reine des Land Rover en collection, c’est la 80 en 1.6 l. Un beau, un très beau modèle, soit bien patiné, soit entièrement restauré, peut désormais approcher les 60 000 €. Une épave tourne autour de 8 000 €.

Arrivent ensuite les séries 2 et 2A, pour lesquelles le marché est plus étalé: les premiers prix, vraiment abîmés, commencent à 1 500 €. Un bel exemplaire, bien restauré, peut désormais commencer à flirter avec les 30 000 €. La moyenne du marché s’établit autour des 15 000 €. Dans cette zone, les Lightweight, auparavant en désamour, ont repris une belle côte et valent autant, voir plus qu’une S2A en état moyen.

Enfin, les Séries 3 tiennent le bas du tableau avec des prix moyens compris entre 10 et 15 000 €. Les versions V8 forment une exception et peuvent dépasser les 30 000 € en bon état.

Attention aux modèles « swappés » sur lesquels a été monté un moteur moderne type 200 TDI. Si la machine devient plus fiable et plus performante, elle perd énormément en valeur.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on trouve presque autant de Land Rover en France qu’au Royaume Uni. Globalement, les prix y sont équivalents, pourtant, chaque marché dispose de ses avantages:

Acheter une Land Rover en France

1- Les sites d’annonces

 Les S2 sont encore très présents sur les sites d’annonces classiques type leboncoin. C’est là que vous trouverez les prix les plus intéressants, mais aussi les Land les plus fatiguées. Les vendeurs sur ce support sont généralement des utilisateurs, non des collectionneurs. Les autos ont été modifiées pour le tout terrain et sont souvent en piteux état, sans contrôle technique. Les prix tournent entre 1500 et 5000 €.

2- Les sites spécialisés

La Land Rover concentre un bon nombre d’amateurs en France. Des clubs, blogs et forums de type « Le Temps des Series », « Landmania » ou encore « Entrelandistes » recensent des séries à vendre. Propriétés de passionnés, entretenus et souvent respectés, leurs prix sont ajustés au marché et donc souvent supérieurs à votre budget.

3- Les bords de routes

Toujours garder l’oeil ouvert lorsque vous vous promenez. L’engin n’étant pas rare, votre bonne affaire peut trainer dans un champ ou au fond d’un garage.

Acheter une Land Rover en UK

1- Les petites annonces

C’est un peu au petit bonheur la chance. L’idéal est d’être sur place et de consulter la presse. Il faudra alors être réactif pour saisir la bonne affaire…

2- Les groupes Facebook

Le groupe « Series Land Rover Group » propose régulièrement des annonces alléchantes. 

3- Les bords de routes

Les « Series » qui traînent au bord de la route sont une spécialité des campagnes anglaises.
Mais les Anglais conservent leurs Land Rovers comme des trésors nationaux: les prix demandés pour une épave au fond du jardin auront donc vite fait de vous décourager.

En quête de la Série parfaite

Votre recherche a ainsi commencé en France. Le Sud regorge de Séries à petits prix. Malheureusement, sur la quantité de modèles présents, peu correspondaient au cahier des charges: Beaucoup de 109 pouces,  essentiellement en diesel, souvent en séries 3, ou en séries 2 élégamment modifiées pour arborer 4 phares. La plupart du temps, l’annonce mentionne « Idéal pour aller au bois ». Ce n’est définitivement pas l’idéal pour vous.

Les Clubs vous ont réservé un accueil chaleureux. Vous y avez trouvé beaucoup de bons conseils, mais la plupart des autos étaient « trop bien » pour vous: trop restaurées, trop chères.

Restait alors l’Angleterre. Après avoir parcouru des semaines durant les différents sites d’annonces, la décision est prise d’aller sur place.

Le coup manqué de l’Autojumble

L’événement vous faisait envie de longue date. L’occasion de ce voyage père/fils vous donnera une dure vision du marché anglais de la Land Rover. Dans la bourse de l’Autojumble, seul un S3 109 militarisé est à la vente. Le prix, correct, de 3 300£ ne suffit cependant pas à vous donner envie de renoncer à votre cahier des charges. De surcroît, vous n’aviez pas prévu de ramener une remorque radio à la maison.

Des Series, pourtant, il y en a partout. Mais ils roulent avec des anglais dedans. Enfin, sur un bord de route, vous trouvez la perle rare. Manque de pot, le vendeur en veut 5 000 £. Gentilhomme, il accepte de vous la vendre avec l’arbre qui pousse à l’intérieur.

De rage, n’ayant pas acheté de billets de retour, vous rentrez avec une MG Midget en panne…

Les 1700 longs kilomètres du retour ne vous permettront pas de trouver un moyen d’excuser cet achat compulsif.

Partie remise…

Quelques années plus tard, alors que vous êtes à Londres pour récupérer une autre automobile (Une TVR, l’article viendra…), vous tombez nez à nez avec le pick-up 88, S2, essence, marine blue du vendeur de la TVR.

Soigneusement stocké sous un prunier, son châssis vient d’être refait. Il est roulant, mais cale au bout d’une heure. Il servait uniquement pour labourer (…) et affiche 33 000 miles. Le vendeur ne peut utiliser la voiture, pour la même raison que pour la TVR: Il n’a plus de genou…

Manque de bol cependant, votre compagne, désormais experte, a repéré la Land Rover avant vous. Elle se positionne devant, et vous recadre immédiatement:

Même pas en rêve! Vends la poubelle noire d’abord.

Damned!

Ce n’est que partie remise. Vous balancez la photo à votre paternel, supprimez son message en retour :

« Challenge accepted! »

Bien que vous n’ayez jamais renâclé à l’idée de traverser la France au volant d’une chignole sortie de sous un prunier, pour cette fois, une solution plus discrète confortable est retenue:

Vous envoyez un portugais chercher la voiture en Angleterre pour vous la ramener sur une remorque italienne.

Lorsque le petit pick-up arrive devant votre porte (que luxe!) un tour de clé suffit à l’extraire de son sommeil. Le vendeur a entièrement nettoyé l’épave l’engin et a laissé de petites notes manuscrites un peu partout pour vous indiquer les précautions de base.

Les examens « avant » achat

De nombreuses recherches scientifiques ont montré que le poulpe est doté d’une capacité mémorielle incroyable: présentez lui trois boutons, deux rouges qui lui envoient des décharges électriques, un bleu qui lui délivre de la nourriture, rapidement, il comprendra qu’il ne faut pas appuyer sur les boutons rouges.

Vous, en dépit de toutes vos expériences, vous avez acheté une voiture sans même vous pencher dessous, sans même regarder son moteur. 

Carrosserie / Châssis

L’élément le plus évident: commencez par vérifier que l’auto est complète. Certaines parties (portes, hayon…) peuvent être coûteuses à chiner.

L’aluminium peut s’oxyder. Les éléments les plus vulnérables seront alors les planchers, le fond de benne et l’habillage des réservoirs, qui soutient les sièges.

Les éléments galvanisés, s’ils ne sont pas forcément évidents à remplacer, se trouvent assez facilement. Attention aux parties repeintes façon galva pour faire neuf, la tenue dans le temps de ces produits est relativement médiocre.

Le plus important est la partie carbonée de l’auto: en bon tracteur rustique, la Land Rover n’a pas eu la vie de pacha des sportives anglaises. Châssis, tablier, calandre sont autant d’éléments qui peuvent avoir subi les outrages du temps:

Concernant le châssis, les parties les plus sensibles sont la traverse arrière, les ancrages de suspension et les supports de tabliers. Un châssis de remplacement, galvanisé, ne coute que 1400 £, mais requiert le démontage complet de l’auto: un projet d’une vie… Il est aussi possible de le remplacer par éléments, solution la plus rapide.

Le tablier, pour sa part, est aussi une partie structurelle de la voiture: il soutient le pare-brise, les portes, le volant et le pédalier. Son remplacement demande pas mal de temps et la pièce vaut 2300 £…

Enfin, considérez que la Land Rover a été conçue à la va-vite avec zèle. Sa structure est complexe et il n’est pas rare de devoir démonter une demi-voiture pour atteindre un panneau spécifique.

Moteur et boites

Vérifiez les traces de rouilles sur le bloc, elles peuvent être synonyme de pastilles de sablage fatiguées. Le moteur, a chaud, n’émet ni cliquetis, ni claquement.  Comme pour toute autre auto, traquez les traces de mayonnaise et fumées à l’échappement.

La boite est ferme et plutôt précise. Les deux premiers rapports ne sont pas synchronisés, si vous n’avez pas l’habitude, des craquements sont donc normaux. Attention aux vitesses qui sautent, révélateurs d’une boite usée. D’une manière générale, des bruits de roulement sont normaux, lorsqu’ils deviennent trop persistants, ils sont révélateurs de travaux à venir. 

Finition / électricité

Trois poufs emballés de vinyle, une tôle peinte et un volant en bakélite, voici l’essentiel de l’équipement de la Land Rover. Ces pièces ne coûtent rien à remplacer mais en disent long sur l’attention portée au véhicule.

Le petit chauffage rond Smith dispose d’un faisceau rond particulier, le prix de la pièce vous donnera rapidement envie de porter des pulls.

Enfin, le faisceau électrique, bien que relativement simple, est un nid à ennuis: les court circuits sont… courants.

Essai roulant

Bête de somme, une Land Rover ne doit pas chauffer, même en utilisation intensive. Les moteurs sont coupleux et fonctionnent sans à-coups. Les vitesses courtes et les 4 roues motrices doivent s’enclencher facilement, à l’arrêt. 

Une tenue de route facultative n’est pas anormale. Lorsque le véhicule devient impossible à contrôler sans mourir, c’est que les rotules, le boitier ou le relais du boitier sont usés. Notez que le boitier de direction est une pièce fragile et compliquée à trouver.

Le freinage est correct, l’ancienneté de l’auto n’excuse donc pas un freinage insuffisant.

Enfin, contrôlez les goujons de roue. Mal conçus, ils ont tendance à s’arracher.

Essai: Land Rover S2

Il n’est plus besoin de décrire cette ligne iconique. En version pick-up, châssis court, elle tourne à la caricature: l’avant et l’arrière sont quasiment symétriques.

Haute, perchée sur ses petites roues fines, la Land Rover parait bien plus grande qu’elle ne l’est: 3,6 mètres de long, 1,67 de large et presque 2 mètres de haut. En gros, une Twingo, ou deux MG Midget posées l’une sur l’autre.

Galva et rivets

Sa ligne évoque le minimalisme des autos produites dans l’immédiat après-guerre, mais avec une pointe de style: si la plupart de panneaux sont plats,  les passages de roues sont découpés avec goût, les poignées de porte élégamment encastrées dans une forme de guillemet et les angles de la caisse sont renforcés de joncs galvanisés, aux rivets apparents.

Au final, elle possède ce je ne sais quoi de plus élégant qu’un Toyota BJ ou une Jeep CJ.

A l’intérieur, on retrouve le même dénuement: les portes se verrouillent à l’aide d’une cale qui empêche la poignée de remonter, les clignotants sont entraînés par une roulette, visible, tout comme l’ensemble du faisceau électrique et les bouches de désembuage sont boulonnées sur le pare-brise, avec tubulure apparente…

Pourtant, tout n’est pas si inconfortable: le strapontin du milieu se plie pour faire apparaitre un plan de travail et une caisse à outils se cache sous le siège passager (le conducteur, lui, est assis sur le réservoir…).

L’espace reste suffisant, même à trois… Même si le radiateur de chauffage, posé sur les pieds du passager de gauche, lui réchauffe direct les arpions… Même si le frein à main se retrouve pile entre les guibole du passager central. Même si la tête du conducteur se trouve à 2 cm de la vitre arrière et à 5 cm de la vitre latérale…

La position de conduite, fixe, n’est pas si catastrophique. Vous êtes assis droits, le volant près du buste, les jambes à angle droit. Devant, la roue de secours bloque la visibilité vers le bas (gênant en tout-terrain), mais la position haute et la vue dégagée par le petit pare brise carré et ses montants fins donne une sensation agréable.

Les pieds posés sur des pédales chipées à un Massey Fergusson, vous côtoyez une forêt de leviers:

  • Un pour le frein à main,
  • Un levier rouge, qui a trois positions: Boite longue en haut, neutre au milieu et boite courte, 4 roues motrices en bas.
  • Un levier jaune, qui s’appuie. Il sert uniquement à enclencher les 4 roues motrices en boite longue. 
  • Enfin, un levier de vitesses courbé, classique.

Démarrage

A froid, un quart de starter et le pied posé sur la pédale suffisent à lancer la mécanique.

Etonnement, le moteur ne ressemble pas du tout à ce qui est attendu dans une telle batteuse: Il s’ébroue sans vibrations et sans le cognement typique des mécaniques anglaises…

Reconnaissons qu’il ne fait pas partie de ces machines stressées: sortant 79 chevaux à 4200 tours de ses 2 235 cc3 de cylindrée, il n’a jamais vraiment vécu d’affolement…

Le levier de vitesse est ferme et précis. Ses débattements sont relativement courts eut égard à sa longueur.

Première, la boite est courte, le moteur coupleux. Une légère accélération suffit à faire patiner les roues arrières. La Land répond bien. La direction, très démultipliée, mais très lourde refroidis vite toute velléité de manoeuvre. Tant mieux:

Pots de fleurs, ronds points, butes, opels…
C’est une Land Rover, elle ne contourne pas les obstacles,
elle les franchit.

En mode normal, la boite semble déjà très courte: la prise de régime du moteur sur chaque vitesse est rapide. Vers 70 km/h, il commence toutefois à s’essouffler et les 10 derniers kilomètres par heure sont plus laborieux à obtenir.

Vous n’en avez de toute façon pas très envie. Un ami utilisateur averti, vous avait prévenu:

Elle tient TOUTE la route!

Didier P.

Passés les 60 km/h,
c’est l’auto qui décide de sa trajectoire…

Entre le jeu du boitier de direction, difficile à régler, la grande démultiplication et les deux essieux rigides, il ne faut pas attendre grand chose de la précision de conduite. Légèrement effrayés au début, vous finissez par adopter une conduite coulée et laisser la Land suivre son chemin: de bonne volonté, elle ira souvent ou vous voulez.

C’est là une des traits de caractère de la Land Rover: du fait de sa grande polyvalence, on lui demande des aptitudes routières que l’on irait pas chercher, par exemple, chez une Willys (dont la conduite se rapprochait d’un Bobcat). En comparaison, le Toyota BJ40 est plus facile mais plus piégeux sur route, et bien meilleur sur piste.

D’une manière générale, il est nécessaire d’évoquer le sujet de la tenue de route car c’est dans ce domaine que la Land va souvent évoluer, mais à aucun moment il ne faudra l’associer avec quelque chose ressemblant à du plaisir.

Ne nous mentons pas: ce n’est pas là l’intérêt de la Land Rover. Elle vous transporte, et s’est déjà sympa de sa part. Le seul plaisir ressenti provient de la conduite au vent (si décapoté) et du charme général de la machine. Hormis le bruit des ponts et des pneumatiques, le claquement de certaine tôles et le bourdonnement du moteur, sur une route lisse, le voyage n’est pas si inconfortable. Mais vous n’êtes peut être pas tout à fait objectifs…

Lors de votre premier contact avec la machine, certainement à la façon de « l’homme qui tombe à pic », rassurés par votre expérience en DS -sotte comparaison-, vous avez été tentés de prendre un ralentisseur pleine balle. Vos vertèbres ont manqué de se disloquer sous l’accélération verticale soudaine qu’a engendré la suspension. Puis, lors de la descente, votre crâne est venu se fracasser dans la tôle du toit, qui en conserve encore les stigmates -la tôle, vous avez la tête dure-.

Clairement, la suspension de la séries et rude. A côté, une Mini ressemble à un pullman. La Land Rover vous botte le cul à chaque saignée qu’elle rencontre.

Il est logique de penser qu’elle est dure pour accepter une grosse charge en tout terrain. Malheureusement, hors bitume, la punition reste la même…

Les passagers sont ballottés à chaque cahot. Sur des pistes faciles, vous vous faites distancer par une Fiat Panda et une Polo Cross… Leur suspension préserve bien mieux les occupants et autorise des vitesses plus soutenues.

Certes, à la première ornière sérieuse, à la première flaque de plus de 50 centimètres de profondeur, la reine du tout terrain reprend le dessus. Restanques, gués, arbres morts, rien ne semble pouvoir arrêter la machine: Le moteur tourne à faible régime, l’ensemble de la transmission mouline tandis que les pneumatiques cherchent de l’adhérence. Imperturbable, elle suit obstinément, et sans effort, la direction que vous lui donnez,

Plus qu’une enduro, la Land Rover est faite pour le trial.
Elle aime les épreuves corsées, abordées à basse vitesse.

Machine à tout faire

C’est en cela que la Land Rover est une légende.

Comme vous avez l’avez lu pendant l’essai, l’élément qui connaît le plus de stress à bord d’une Land Rover, c’est le conducteur.

Traverser le Sahara, les Alpes enneigées, le Nurburgring ou le rond point de l’étoile, rien ne lui fait peur et rien ne lui pose de limites.

Frugale, fiable, économique en entretien et facile à réparer, cette machine peut rester à vos côtés tous les jours de votre vie, dans toutes les conditions.

En achetant une Land Rover, vous n’avez pas acheté un 4×4 pour rouler en centre-ville, vous avez fait la rencontre d’un bon pote, un pote serviable, fiable… et prêt à tout.

Histoire facultative:
« The rover for the land »

Entre la fin de la production et ses 70 ans, difficile de ne pas avoir entendu parler de la fameuse “Série”: c’est une voiture qui est plus vieille de 30 que sa propre marque et qui a survécu à la marque qui l’a créé. C’est une voiture qui a arpenté toutes les surfaces du globe.
C’est la voiture qui a pour slogan: Because Earth is not flat…

Brièvement, l’idée vient de Maurice Wilks,  directeur des études techniques chez Rover. Le Royaume Uni sort de la guerre, la marque est alors dans la panade:

L’usine de Coventry est complètement détruite. La seule installation disponible, à Solihull, est vide. Rover refuse de laisser ses salariés au chômage et a besoin de rentrer des liquidités pour relancer la production de ses berlines.

Maurice constate que le groupe Standard, confronté à la même problématique, s’est lancé dans l’assemblage d’un outil agricole: le tracteur Fergusson TEA (Le p’tit gris chez nous).

Wilks se dit qu’il existe de la place pour un produit hybride, entre une camionnette et un tracteur. Il achète une Willys au surplus qu’il modifie en ajoutant une prise de force. Le projet est validé.

Un produit pour trois ans

Nous sommes en 1947. Le développement de l’auto est pris en charge par Arthur Goddard. Il assemble le premier prototype de Rover for the land sur le châssis en échelle de la Willys. Les ancrages de suspension sont largement modifiées pour adapter les pont de la Rover P3, plus larges. La vieille berline va aussi lui prêter son moteur et sa boite.

Pour la carrosserie, il utilise du Birmabright, un mélange d’aluminium et de magnésium récupéré sur les carlingues d’avion. Le design est réduit à sa plus simple expression pour autoriser une production rapide avec des cisailles, un minimum d’emboutissage et sans soudure.

La peinture est le vert utilisé dans les cockpits de bombardiers. La seule couleur disponible en quantité.

A l’instar d’un tracteur, le conducteur de la première Land Rover est assis au milieu de l’auto, sur la boite de vitesses… de la Jeep. Le prototype en a encore conservé la boite de transfert, le pare-brise et quelques pièces d’accastillage.

L’engin plaît d’emblée. Durant les premiers tests, il fait preuve d’une versatilité largement supérieure à celle de la Jeep: il peut tracter toute sorte de matériel agricole, labourer, aller chercher les enfants à l’école, le tout sous n’importe quelle météo!

Lors de la mise en production, la Land Rover se détachera complètement de la Jeep avec un nouveau châssis, une carrosserie encore simplifiée et une nouvelle boite de transfert.

1948: Première année de production

Celle que l’on appellera Série 1 entre en production en 1948. Une seule version est proposée avec un empattement de 80 pouces, une carrosserie bâchée, un moteur à cylindres jumelés de 1,6 litres et une transmission à 4 roues motrices débrayable par un système de roue libre. Rover ne vise pas un marché immense, ni une production longue, Trois ans tout au plus…

3 000 exemplaires trouveront preneur en 1948.

En 1949, Land monte un moteur Rolls Royce 4 cylindres militaire en rallongeant l’empattement à 81 pouces et produit 33 exemplaires de ce modèle.

Cette même année, la marque lance une carrosserie couverte baptisée Station Wagon, équipée de poignées de porte et d’une coque en aluminium assemblée sur une structure bois chez Tickford, comble du luxe, elle est équipée de sièges en cuir et d’un chauffage!

En raison d’un prix bien plus élevé et d’une ossature bois fragile en utilisation « normale pour un Land Rover », seulement 700 exemplaires seront commercialisés jusqu’en 1951.

En 1950 apparaît une version Pick-up, tôlée à l’avant. Les ventes explosent avec 15 000 exemplaires.

En 1951, elle abandonne le système de roue libre au profit d’une boite de sélection plus « classique », ces modèles se reconnaissent à leurs phares, plus gros et désormais devant la calandre.

A la fin de l’année, elle reçoit un moteur réalésé à 2 litres, plus coupleux. Avec cette modification, il devint nécessaire de modifier les statut juridique de la Land Rover. Jusqu’alors elle était un engin agricole, dépourvu de taxes mais limité à 30 mph sur route. Il va devenir le premier véhicule légalement multi-usages.

En 1954, alors que la Land Rover s’écoule à 20 000 exemplaires par an, le châssis est revu et décliné en deux versions pour augmenter la capacité de chargement: le châssis court passe à 86 pouces et un châssis long apparaît avec 107 pouces. Plus tard dans l’année, l’alésage du moteur est modifié pour dégager du volume entre les cylindres et faciliter le refroidissement.

En 1956 apparaît la version Station Wagon sur le châssis long, qui propose 10 places sous un toit en aluminium boulonnée à la caisse. Cette même année, les empattements sont à nouveau rallongés à 88 et 109 pouces, sauf pour le Station Wagon, qui restera à 107 pouces. Cette modification de châssis permet d’installer un moteur Diesel 2 litres à soupapes en tête, de performance équivalente au moteur essence.

1958: Apparition de la Série 2

Cela fait maintenant 10 ans que la Land Rover est sortie. D’un véhicule de niche à la durée de vie limitée, elle est déjà devenue culte. Rover a écoulé presque 195 000 Séries 1 et fabrique sous  licence son 4×4 en Belgique (Minerva, à carrosserie acier) et en Espagne (Santana).

La série 2 est présentée, elle a été retouchée par le designer maison, David Bache (Rover P6, Range Rover, SD1…), qui tracera le petit bourrelet le long des ailes afin d’équiper l’auto de pneumatiques plus larges. Il arrondit le toit du pick-up et y place des vitres latérales.

Globalement, la série 2 paraîtra mieux finie et plus homogène que la série une…

Sur la première année de ce nouveau modèle apparaît le nouveau 2 litres 1/4 essence qui gagne en couple et en puissance.

En 1959, la 250 000 ème Land Rover sortira des chaînes. A peine trois ans après son lancement, la S2 est remplacée par la S2A. Elle peut être équipée en option d’un nouveau moteur diesel de 2 litres un quart (évolution du 2 litres des S1).

En 1962, Land Rover diversifie sa gamme avec le Forward Control: Une cabine avancée montée sur un châssis de 109 pouces.

Ce camion tout terrain bénéficiait d’une capacité de charge accrue à 1,5 tonnes tout en utilisant la même base technique que la Land Rover.

Assis sur le moteur, le conducteur de ces engins mythiques n’avait alors guère le temps d’être gêné par le bruit chaotique de la mécanique, tant la tenue de route était hasardeuse…

En 1966, après 2500 exemplaires produits, il est remplacé par le F2B équipé du 2,25 diesel ou du 6 cylindres 2,6 litres. Ses trains roulants sont repensés pour améliorer la conduite, notamment en adoptant des barres anti-roulis.

En 1967 le 6 cylindres 2,6 litres devient disponible en option sur les S2A en châssis 109 pouces.

En 1968, tandis que Land Rover fête son 600 000 ème exemplaire, apparaît le Half Ton ou LightWeight.

Initialement conçue pour être aéroportée, cette Land Rover destinée à l’armée Britannique repose sur un châssis de 88 pouces avec une carrosserie simplifiée dans le but de l’alléger et de réduire son encombrement. Jusqu’en 1971, Land Rover produira 2 989 S2A LightWeight, toutes à usage militaire.

1971: Toujours en production, voici la Série 3…

La Série 3 est une douce évolution de la Série 2, best seller de la marque. Elle adopte une calandre en plastique, des charnières de porte intégrées et un tableau de bord en plastique dont les instruments sont enfin regroupés devant le conducteur. Sous le capot apparaissent deux nouveaux 4 cylindres, accouplés à une boite entièrement synchronisée.

Toute la gamme est reconduite, du 88 bâché au 109 station wagon en passant par le 88 Lightweight (l’armée n’a plus besoin des spécifications de cette machine, mais elle aime bien le look…).

En 1975, Land Rover ressort le Forward Control, renommé 101, qu’il équipe du V8 Buick et de la transmission à 4 roues motrices permanente de la Range Rover.

En 1979, ces équipements seront repris sur les 109, en remplacement des 6 cylindres. Le 109 V8 se reconnait à sa calandre plate, dans la continuité des phares et non plus reculée (à son bruit, aussi…).

En 1982, le S3 s’embourgeoise en adoptant une finition County Station Wagon, avec sièges en tissus, stickers et carrosseries bi-ton. Il annonce bien entendu l’arrivée des 90 et 110, auxquels il cédera sa place en 1985 après plus d’un million d’exemplaires produits.

La suite: Les 90 et 110

Le 110 arrive sur le marché en 1983. Extérieurement, la calandre plate, le capot rallongé, le pare-brise en une pièce et les élargisseurs d’ailes permettent de l’identifier rapidement. Dessous, c’est une révolution: les antiques ressorts à lames font place à des ressorts hélicoïdaux et la transmission à 4 roues motrices permanentes du Range Rover est montée de série.

En 1984 il est rejoint par le 90 (d’un empattement de 92,3 pouces) et en 1985 par le 127. Les moteurs passent progressivement à 2,5 litres, puis le catalogue d’options s’élargit: les vitres, désormais descendantes, peuvent devenir électriques. L’utilisateur peut se concocter une auto sur mesure en ajoutant une radio-cassette, des jantes Rostyle, des laves-phares et un porte-surfs pour se différencier de l’antique Série 2 qui pourrit dans le champs du voisin.

En 1990, la marque le renommera Defender et son évolution se poursuivra, adoptant plus de 8 mécaniques différentes, du 2.5 TDI Rover au 5.0 V8 Jaguar en passant par le 6 cylindres M52 2.8 de BMW.

Versatile, indémodable, Land Rover écoulera plus d’un million de Defender jusqu’en 2018. Un nouveau modèle est déjà annoncé, mais il ne sera qu’un lointain cousin de ce tracteur né du génie et de la débrouillardise d’après guerre.

La Land Rover S2 est une légende
Déjà inclassable lors de son lancement, 70 années plus tard, le Land Rover reste difficile à cerner. Ses aptitudes routières et son confort médiocre rendent l'achat d'une baguette de pain aventureux. Pourtant, dès que l'on s'assied derrière son volant, une irrémédiable envie de partir au bout du monde vous prend aux tripes...
Fiabilité7.5
Confort2
Esthétique9
Agilité sur le gourdon1
Agilité dans la boue9
Bonus pour la légende10
Héros mythologique
  • Fiabilité
  • Economie d'utilisation
  • Design
Légende urbaine
  • Inconfort presque total
  • Aptitudes routières
  • Rare sans modification
6.4Note Finale
Note des lecteurs: (13 Votes)
8.3

17 Réponses

  1. Wathieu Michel

    Bonjour aux passionnés des ces légendes,
    Je viens de me délecter en lisant cet article.
    Je viens de vendre ma fidèle Lightweight S3 diesel de 78 faute de places couvertes, et possède une merveilleuse Lightweight S2a de 1969 de la RAF. Je me bats pour la fiabiliser jusqu’à présent en vain !
    Mais ces véhicules méritent tous nos égards et notre patience.
    J’attends avec impatience vos prochaines chroniques.
    A bientôt.
    Michel

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  2. veyer serge

    bonjour
    meme moi j’ai savouré votre article (landiste permanent depuis 1976)
    toutefois la serie 3 etait equipé sur notre marché d’un moteur 3 paliers
    seules les premières 110 reçurent le bloc 2l 1 quart 5 paliers

    (soyez gentil de ne pas extruder des exemples marginaux en reponse )
    grande cordialité dans ma com;

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  3. Jean Pierre

    Je fais partie de ceux qui depuis des années n’a d’yeux que pour les Land en général et surtout les Séries.
    Je viens d’acquérir une Serie2 de 1968 que je vais prendre le temps de restaurer amoureusement.

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    • Andrieu

      Votre humour m’a beaucoup plus. Les gens dans le restaurant ou je mangeais n’ont pas du comprendre . Grâce ou à cause de vous, je vais me lancer dans la re cherche d’un bon série 3…l’aventure quoi ! Une grand merci ! Sylvain

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  4. HERVE BELLEC

    Superbe article, c’est plus que du journalisme. Une question, le volant à droite, les leviers à main gauche…ca s’apprend vite ? ..je suis sur une affaire…Merci

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    • Hugo
      Hugo

      Bonjour,

      Oui, c’est un coup à prendre, mais cela vient vite. Mais la voiture est passée entre de nombreuses mains inexpérimentées, et tout le monde s’y est fait.

      Bien cordialement,

      Hugo

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  5. Aissa Hamada

    Préserver et à restaurer ce patrimoine automobile est super important. Votre article est très enrichi avec tous les détails, donnant ainsi à ce véhicule un passé glorieux le meilleur avenir possible.

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  6. Menard

    Quelle belle évasion j adore, mon regret avoir une s2a au fioul et non essence, très bel article
    Merci

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    • Hugo
      Hugo

      Merci ! C’est génial un S2, je pense qu’en tout terrain, le diesel doit être plus adapté.
      Quelle modèle avez vous ?

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  7. LordJim

    Ne vous étonnez pas qu’avec de tels articles nous vous pressions d’en écrire d’autres.En clair,au boulot !

    Répondre

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