Il serait mal venu de nier que Cat Power est une des personnalités les plus fortes du paysage musical américain actuel et qu’elle mérite le statut qu’elle s’est forgée. J’ai le sentiment qu’elle vient prendre place parmi ses pairs sans les bousculer, poliment, de manière un peu trop lisse pour certains mais au regard de sa discographie et de ses collaborations, ce jugement tombe à l’eau.
Vous l’aurez sûrement compris, je ne dirai, ici, pas un mot de mal sur une des artistes féminines qui me touche le plus. Si je n’avais pas rencontré ma femme avant, si je vivais une autre vie, si je n’avais pas si peur de mon côté dépressif, si je possédais plus de talents artistiques, si je parlais mieux la langue de Shakespeare, si je pouvais rester plus concentré, si…. et si je l’avais rencontré et que d’une commun accord nous avions décidé de mettre en parrallèle nos chemins… Chan Marshall (de son vrai nom) aurait pu être la femme de ma vie.
Maintenant, place au son.
Ses deux premiers opus Dear Sir et Myra Lee (album intitulé du prénom de sa mère) ont été enregistrés à moins d’un an d’intervalle sur deux labels différents (si vous avez déjà vu ça dans l’histoire de la musique, je suis preneur de l’info), autant dire que dès ses débuts, Cat Power a intrigué, interpelé, suscité l’envie… celle de continuer à écouter ses compositions mais aussi celle de l’avoir sous son aile.
Ces deux galettes ont le son typique des années 90 (à mon sens). Fermez les yeux… n’entendez-vous pas un peu de PJ Harvey et de Sonic Youth? Ah! Vous voyez bien! En tous cas, pas de doute, nous voici en présence d’une sirène de la scène rock indie. On le devra certainement à sa rencontre avec le batteur des Youth, Steve Shelley qui l’aidera à enregistrer sa musique.
Sombre, troublant, paralysant… mais tellement prenant, Myra Lee est un album que tout le monde devrait écouter (et non pas entendre) au moins une fois dans sa vie. il est, certes vrai que le temps manque à tous et que nous sommes nombreux a avoir une pelle de trucs en attente à écouter, à voir, à lire… mais je vous en conjure, prenez 4 minutes 42 dans votre prochain week end pour traduire ses mots à votre esprit en écoutant Rockets; et si vous êtes dans un moment un peu noir, tirez jusqu’à Wealthy Man afin que les larmes qui vous oppressent puissent sortir et vous libérer du fardaux qu’est le votre.
En 1996, Cat Power sortira What Would The Community Think et ne quittera plus jamais ce label (est-ce une bonne idée?). Cet album est celui de la transition vers un apaisement sonore, j’ai dit transition, je n’ai pas dit transformation radicale! Ici, toute le torture de la demoiselle est retranscrite. Ce titre d’opus What Would The Community Think en est une preuve; on y ressent bien la fragilité et la tension très palpable dans le morceau du même nom dans lequel se mèlent à merveille le piano et le larsen de guitare latent en fond sur une belle mélodie de chant. Le summum de la tension de cet album se ressent parfaitement dans le titre que je préfère dans cet album, Nude as the News, dans lequel on pourrait presque souffrir de ce couteau en travers de la gorge sur le refrain final. Pour se remettre de tant d’émotions, les deux morceaux suivants sont plus cools; They tell me s’appuie sur un plan ultra blues et est conforté par un chant que l’on pourrait croire (sauf pour les paroles) tout droit tiré d’une chanson pour un enfant au dessus du berceau.
Nude as the News (live à NPA le 10 décembre 1996).
A cette époque, il parait que Cat Power redoutait les prestations live et qu’elle s’aidait d’une petite dose d’alcool (Rock n’ Roll !!!)
En 1998, Chan voyage en Afrique et en Australie et continue sa transition vers l’apaisement. Moon Pix est un diesel. Après les trois premières parutions, celui-ci peut paraître moi intéressant… Tatata, il n’en n’est rien; il suffit de lui laisser sa chance (n’en déplaise à certains comme mon ami Ratou). Dans He turns down, on commence à s’approcher du chant aujourd’hui offert par l’américaine qui avouera s’ennuyer dans la musique (???). J’ai du mal à croire cela quand j’écoute la délicatesse, la precision et la retenue de No Sense, ces notes de guitare qui ne sont ni vraiment des arpèges, ni vraiment des arrangements… toute la magie du talent est là. Metal Heart est peut être la chanson la plus représentative de la Cat Power touch, je laisserai les connaisseurs juger de l’entrée indéfinissable de la batterie dont les baguettes sont tenues par Jim White de Dirty Three (dont je vous ai déjà parlé). Je vous conseille aussi, bien entendu, de vous délecter de mon chou-chou de l’album, American Flag (c’est sûrement mon amour sans limite pour la distortion qui me fait dire ça).
The Covers Record sorti en mars 2000 célèbre le nouveau millénaire par 12 reprises qu’elle affectionne. Des rolling stones en passant par bob dylan jusqu’à velvet underground ou bien nina simone, Cat Power nous offre une oeuvre à part entiere! L’album commence par une reprise des Stones, Satisfaction est ici à peine reconnaissable et c’est ce qui fait le charme de l’opus, Cat Power s’est approprié toutes les chansons. Rangez vos jeans troués et vos mouchoirs! Ici, on écoute une musique cool, tranquille, relaxante… ouvrez la fenêtre, vous sentez le soleil du Printemps vous chauffer le visage? C’est bon, n’est ce pas? Je ne saurai trop vous conseiller Kingsport Town (reprise de Dylan) où on entend le souflle sortir derrière la voix ou encore la traduction en Power de The Devil’s Daughter du groupe de hard rock Koritni.
Chronologiquement, on arrive en 2003 pour déballer la réalisation de Cat Power que je préfère You are Free. C’est par cet album que j’ai découvert son univers. Ado du Rock, les années passent et je me retrouve de plus en plus dans une musique folk que je définis auourd’hui comme le rock des « vieux »… et ça me va bien! You are Free est dessiné par une palette de mélancolie, de soif de liberté, de douceur et surtout de minimalisme. Sur ce disque, le chant est feutré, les faussetés sont présentes mais discrètes, c’est un vrai jeu d’équilibriste entre minimalisme et retenue, entre troubles et tourments. Puisque j’y vais de mon conseille depuis le début et que vous avez tenu jusqu’ici, arrêtez votre vie sur ce loup-garou discret qui a de la compassion… Werewolf est de très loin ma chanson préférée dans la discographie de la demoiselle. Est-ce la guitare à peine touchée, l’effet doublé sur la voix, les violons beaux à pleurer ou tout simplement la puissance mélodique? Je ne sais pas mais il ne se passe pas une semaine sans que j’écoute cette chanson et que (comme Luciole) je ne regrette pas de ne pas l’avoir écrite moi même.
L’album le plus controversé de Cat Power en incontestablement The Greatest qui contrairement à ce que l’on pourrait penser n’est pas un best-of planifié par une maison de dique pour regonfler ses caisses à bas coûts, il s’agit d’une album à part entière enregistré dans la contrée du King à Memphis. Ceci expliquant cela, on y trouvera une bonne base de mélodie blues et le chant de Cat Power par dessus… Non! Ce n’est pas un mauvais album mais il est vrai qu’après tant d’albums bouleversant, chacun à sa manière, on peut rester un peu sur sa fin ou, en tous cas, rester, comme moi, sur une incompréhension qui me donne faim (ou fin?) de Cat Power. Que donnera le prochain disque de Mademoiselle Marshal?
Souvenez -vous, quelques lignes plus haut, je vous disais qu’aux débuts de Cat Power, ils semblaient être nombreux à vouloir « posséder » l’artiste. Je ne veux pas croire que ceux-ci étaient uniquement animés de mauvaises intentions mais entre temps, de 1996 à 2008, 12 ans ont passé et l’industrie de la musique a bien changé. Jukebox laisse un goût amer. Il s’agit de son deuxième album de reprises dans lequel sont revisités des titres de Bob Dylan, Janis Joplin, Franck Sinatra… Certes, l’exercice a déjà été réalisé mais on sent bien qu’au départ les devoirs à la maison ont été faits, c’est après que ça se corse. Ici, encore, elle s’est réapropprié les morceaux mais… que s’est-il passé? J’ai mon avis, il ne regarde que moi… mais il semblerait que la machine à fric (vous savez celle qui fabrique les « tubes ») ait décidé d’arranger la création à sa sauce. Pourquoi? Pour être plus facile d’accès au grand nombre; j’en veux pour preuve la reprise de Joni Mitchell, Blue, qui ressemble étrangement à une chanson de Sade. Dans le lot, je sors Angelitos Negros, une suave reprise de Roberta Flack (surtout connue pour son interprétation de Killing Me Softly).
Comme je le dis souvent trop de production tue la production! Il n’en reste pas moins que je reste très fan de cette discographie contenant des perles comme on en croise rarement. Soyons confiant! Cat Power a su s’entourer à de nombreuses reprises croisant la route de nombreux artistes talentueux dont certains qu’elle a réussi à attirer dans des projets intéressants alors que de leur côté rien ne brillait… et aujourd’hui de source sûre, elle est en collaboration avec Eddie Vedder, la voix bariton de Pearl jam…
Connaisseur!!! Voilà un bout de temps (trop long à mon goût) qu’on ne m’a pas parlé de Damien Rice. J’attends avec impatience une nouvelle création du petit homme.
En tous cas, promis Clarke! Je mets tes propositions dans mes tuyaux… dès que j’ai un peu de temps, je m’y attèle.
Bon article!
J’ai découvert la musique de Chan Marshall dans le film Blue Powder, très belle artiste, très touchante. La mélancolie de ses morceaux me fait penser à celle de Damien Rice ou de Bright Eyes, mais elle a quelque chose de plus beau et de plus personnel.
Une bonne chose si d’autres personnes découvrent sa musique. A quand un article sur Laura Veirs, Emily Haines ou Natasha Kahn ?