L’eau est à 14°C, c’est certainement la température la plus propice au surf: non seulement vous devez porter une combinaison qui étouffe tous vos gestes, mais le froid rend les claques des vagues vraiment plus cinglantes. D’une hauteur d’1,5 mètres elles vous ont portés toute la journée, vous et votre longboard.
Le soleil décline maintenant, l’habituel déshabillage hasardeux au bord de la route et le rangement de tout votre matériel et des kilos de sable qu’ils conservent en souvenir est terminé.
Vous puez, vous êtes éreintés, il est temps d’ aller vous rassasier. Bien que très attaché à la culture basque, vous n’êtes cependant pas un grand amateur des rues bondées de Biarritz ou des restaurants de Xumuksu à Saint Jean de Luz.
Direction l’Espagne!
La meilleure route pour se rendre à San Sabastian et la route de Jaizquibel. Elle commence derrière Hondarribia et vous mène jusqu’à la ville industrielle de Pasajes. Sinueuse, elle part du niveau de la mer et monte jusqu’à 580 mètres. De nombreux rallyes s’y sont déroulés. Ce soir encore, vous vous laissez enivrer par la vitesse, encouragé par les moutons qui sont vos spectateurs d’un jour. Bien sûr, au début, vos passagers auraient apprécié de pouvoir profiter de la vue magnifique sur les côtes basques déchiquetées et la naissance des Pyrénées. Mais maintenant qu’ils se sentent bringuebalés à vive allure en haut de falaises rocheuses qui donnent dans cet océan furieux, ils n’osent plus guère regarder la route, encore moins vous contrarier…
Pour détendre l’atmosphère, vous leurs expliquez que Jaizquibel est la montagne la plus occidentale des Pyrénées… elle fait directement face au golfe de Gascogne…. en basque Jaizquibel signifie « derrière le rocher »….. les inscriptions sur la route font référence à une étape de la classique de San Sebastian (dites plutôt Donastia, ça fait plus local), une course cycliste…… la pointe qu’on aperçoit là c’est la Punta Turula, un des nombreux caps de la région…….. Ah.. Tu veux qu’on s’arrête?
Lecture facultative: choisissez votre « surf car » | |
Petit à petit, le toit va se marteler, les embruns vont patiner sa peinture, sa moquette va se recouvrir d’une épaisse couche de sable tandis qu’une subtile odeur de marée envahira l’habitacle. Pourtant, vous ne savez vous résoudre à rouler dans n’importe quoi.Voici une sélection de Surf-car parfaites pour les amateurs que nous sommes: | |
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Une fois dépassée la ville de Pasajes, le paysage est moins chaleureux, en tout cas jusqu’à Donastia.
Ne vous fiez pas aux abords de la ville, ces grands immeubles qui paraissent déshumanisés ne sont là que pour faire diversion, persévérez et suivez le centre ville, on trouve facilement des places au pieds du mont Ulia.
A peine sortis de l’auto, vous devez vous rendre à l’évidence: Donastia est une ville de surfeur. Skateboard, longskate, shortboard, longboard, tout le monde ou presque se balade avec un engin de glisse. Pourtant, vous n’y retrouverez pas l’attitude feinte bien connue des habitants de Hossegor ou de Biarritz: ils sont une trentaine dans l’eau, à se passer les vagues qui cassent sur la plage de Zurriola. L’envie de les rejoindre vous prend. Puis votre fatigue vous rappelle à la raison, ou vous procure une bonne excuse… Soyez objectif, votre niveau ne vous permettrait pas de conserver le minimum de flegme qu’il vous reste malgré vos cheveux mouillés (et votre combinaison avec des flammes dessus) dans ces vagues de 2,5 mètres qui cassent directement sur la plage, en plein centre ville.
Profitez plutôt de la douceur du coucher de soleil imminent. La plage mène vers le casino, un bâtiment ultra moderne et pas très beau.
Tandis que vous traversez la rivière Urumea pour vous rendre dans les quartiers historiques, vous profitez de la vue sur la mer et le mont Ulia d’un coté, et de cette ville aux atours haussmanniens de l’autre. Les rues sont droites, larges, bondées de gens qui parlent une langue pleine de « xu » et de « ziu » que vous peinez à déchiffrer. Ils traînent tous, un verre à la main aux abords d’échoppes qui présentent un ensemble de petites bouchées que vous auriez tort d’apparenter à des tapas. Ce sont des pintxos. Une tradition basque-espagnole. A l’instar des locaux, vous pénétrez dans un de ces bars, par chance, il s’agit de Goiz Argi, l’un des meilleurs de la ville. Amusé, le barman vous laisse vous débattre avec votre espagnol plus que balbutiant. Mais sûr de vous (je vous rappelle que vous avez marqué Lu, Ecrit, Parlé sur votre CV) vous persévérez:
« Holla »
« Es possiblai tener pxinxtxosses par favor? »
Il reste immobile…
Vous adaptez votre langage:
« Xtengo suelox la puertax »
Le silence se fait dans le bar…
Lassé, il vous lance:
« Vous voulez des tapas c’est ça? »
Nous sommes à la frontière française ici, la plupart des habitants de Donastia baragouinent un minimum de Français. Vous êtes ridicule. J’aurais dû vous prévenir.
Blasé, vous commandez le truc le plus bizarre qui soit présenté dans toutes ces assiettes devant vous: des anchois aux piments et des crevettes marinées avec une sorte de mayonnaise au choux fleur. Pour ne pas tout perdre, accompagnez le tout d’un vin blanc local, le Txakoli, frais et légèrement sucré. Ne prévoyez pas de faire un repas entier avec ces plats: ils sont chers et très fort en bouche.
La bière vous a légèrement enivrés, vous circulez béatement et tombez sur la place de la constitution. On y voit souvent des basques participer à des rassemblement étranges qui dépassent votre connaissance: danse ressemblant vaguement à de la country, manifestations …
Marchez encore un peu: la nuit à peine tombée vous fait découvrir la baie de la Concha, bordée par les lumières de la ville, en ses deux extrémités, le mont Urgul, l’Igeldo et au milieu, la petit île de Santa Clara. Il existe un petit sentier piéton qui fait le tour du mont Urgull et vous permet de retourner dans la ville. Il vous ramène pas loin d’un restaurant typiquement basque: la taberna Gandarias. La décoration est simple et chaleureuse: grandes assiettes de charcuterie qui flattent l’œil, nappes blanches… Ici, l’entrée se constitue de piments verts de Gernika, grillés à la plancha tandis que cuit votre côte de bœuf qui a été macérée sur place.
Après les pintxos avalés sur le chemin, cette table vous réconcilie avec la culture basque. Le service est chaleureux et simple. Les serveuses vous surveillent d’un oeil malicieux. Soudain, vous comprenez pourquoi: elle attendaient de vous voir croquer dans LE piment, le seul de cette énorme plâtrée apte à réveiller en vous les fournaises du Mordor. Berné par l’étonnante douceur de ses petits frères, vous l’avez croqué à pleine bouche.
Le rouge carmin de votre visage déclenche aussitôt l’hilarité de la salle.
Qui est-il ce touriste qui pue la moule (il n’y a pas de douche pour se rincer après le surf sur les plages landaises…) pour se croire apte à se confronter à la gastronomie basque!
Grillée à la plancha, la côte de boeuf arrive, simplement accompagnée de fleur de sel et de quelques frittes. Contre toute attente, sachez que les Espagnols sont parmi les plus gros mangeurs de viande d’Europe et que cette côte de boeuf est une des meilleures d’Espagne. Au dessert, vous allez passer à coté de ce qui peut s’apparenter à une révélation si vous ne gouttez pas au Whisky cake. C’est aussi une spécialité locale, une sorte de gâteau de pâte sablée, glace à la crème et noisettes caramélisées, le tout arrosé de plusieurs bonnes rasades de Whisky. C’est léger, fin, frais, une pure merveille.
Il vous reste maintenant trois solutions: Vous pouvez longer le port et gravir le mont Urgull, histoire de se retrouver seuls, face à l’océan, un bon verre de Whisky à la main, tenter une expédition au Bataplan, c’est une discothèque electro dont la terrasse donne directement sur la baie de la Concha. L’endroit est fréquenté par tout le gratin de célébrités que vous n’avez déjà pas envie de croiser dans la rue: Monica Bellucci, Bob Sinclar, David Guetta. Personnellement, tant que les discothèques post rock n’existeront pas, je ne fréquenterais pas ces lieux. La dernière solution reste donc une balade en longskate, pour profiter de la vue magnifique sur la Concha, de la douceur de la mer qui s’ouvre à vous et de la nuit qui défile doucement sur un bruit de roulement.
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