Whisky : Bouteilles d'Exception épicurien alcool autoreverse

 

Question : que faire en plein milieu d’une crise financière sans précédent saupoudrée de la disparition du CDI (dans l’indifférence la plus totale) lorsque l’on dispose de quelques 180 euros ? En ces temps troublés où les valeurs égocentriques et superficielles s’imposent pour devenir la norme, vous aurez plusieurs choix en fonction de vos priorités. Si vous trouvez que votre physique ou celui de votre épouse sont trop éloignés des standards “L’Oréal”, vous pourrez toujours les épargner en vue d’une chirurgie esthétique visant à réduire votre triple menton ou à amplifier la poitrine de votre compagne. Si vous aimez les histoires de loosers sympathiques ou les victimes de conspirations popularisés par les ô combien réalistes séries américaines, pourquoi ne pas proposer vos quelques écus à Jérôme Kerviel afin de les faire fructifier ? Si malgré tout, vous êtes parvenu à conserver contre vents et marées un soupçon bon sens, vous pourriez les dépenser dans de la nourriture bio saine, venue de Chine ou d’Espagne, ou dans un achat durable à fort amortissement (Œuvre complète de Léon Tolstoï et bonbonne d’antidépresseurs par exemple).

 

Pourtant… Pourtant il existe une voie alternative. Que faudrait-il vraiment faire ce cet argent ? Dépenses cosmétiques, bios, superficielles, risquées, révolutionnaires ??

Bien sûr que non, voyons !! La réponse est pourtant déconcertante d’évidence : il faut bien sûr les claquer en whiskies afin que les fans d’AutoReverse et les alcooliques en devenir/devenus sachent de quoi se délecter en cas de panne d’inspiration. Toute galéjade mise à part, cet article est baptisé “Whiskies d’exception” non pas parce que chacun les trouvera forcément exceptionnels, mais simplement parce qu’à ce jour, les quelques bouteilles à venir sont parmi les plus caractérisées, exotiques, insolites ou simplement dignes de l’effet “ Ooooh… J’avais encore jamais goûté un truc comme ça…” que je n’ai jamais eu entre les mains.

Savoureuse dégustation ! Voici un moyen d’oublier l’avenir funeste !

funeste

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Hedonism 43%

Hedonism Figure

Offert à une époque lointaine et révolue à un gros porc de Cannois qui n’eut même pas la décence de le partager, l’Hedonism a toujours été paré de mystère à mes yeux. Whisky inconnu même pour beaucoup d’initiés, au nom qui évoque la quête soutenue de tout ce qui peut provoquer du plaisir, réalisation de la légendaire société Compass Box et du non moins légendaire John Glaser auxquels on doit des créations incroyables (telles que le Spice Tree ou le démoniquement enchanteur Orangerie) qui vous donnent comme seule envie, une fois que vous avez porté les lèvres à l’une d’entre elles, de toutes les posséder, et de les faire partager jalousement à un cercle très intimes de personnes que vous seriez prêt à tuer dans un déluge de violence sanguinaire si l’une d’entre elles osait vous dire “J’aime pas”.

 Blend

L’Hedonism est un Blend, whisky de grain, qui fut élu meilleur de sa catégorie aux World Whiskies Awards de 2008 et  2009 (même si on se moque de genre de détails). J’ai vaguement souvenir d’avoir payé cette bouteille il y a des années à peine plus de 60 euros. Aujourd’hui, il faut en débourser 80 pour pouvoir goûter à cette création phare de Compass Box (et encore, attendez un peu les futures hypothétiques hausses de taxe et vous devrez la raquer 140). Quatre vingt euros, c’est une sacrée somme, surtout pour un blend, et pour ce prix autant vous dire qu’on s’attend à de la qualité, surtout après le Redbreast 15 ans qui vous a quelque peu scié par sa qualité en demi-teinte.

Ce whisky Compass Box est très pâle, la forme de sa bouteille fait penser au Scapa 16 ans (un scotch plutôt conseillé) avec une “nouvelle” étiquette rouge/bordeaux immense nous délectant d’un visage féminin, qui par collage voit le haut de sa tête remplie de figures iconiques (je vous laisse seuls juges), de la mention “limited production” ainsi que “natural color”. L’ancienne version proposait une bouteille au verre teinté dans sa masse à la couleur orangée et son étiquette était bien moins mégalomane et luxueuse.

luxueuse.

On approche le nez du verre avec retenue et appréhension, puis, à la première timide Hedonismrespiration, on est rassuré, conquis, et pour toucher au sublime, presque exaucé. Le mariage de whiskies venant de prestigieuses distilleries telles que Cambus ou Cameron Bridge ainsi que le génie iconoclaste de Glaser (voir ses démêlées avec la haute autorité du whisky, la Scottish Whisky Association (SWA), qui l’accusait de briser toutes les règles à propos de ce qui était et ce qui n’était pas du whisky) offrent un nez d’une rondeur et d’une cohérence absolument remarquables. L’ensemble est d’une douceur et d’une onctuosité qui contaminent toutes les notes de fruits rouges mûrs et de vanille, sublimées par le biscuit de Savoie, le Cupcake nature légèrement malté ainsi que la crème fraîche et le pain au levain fraîchement cuit. Le nez est d’une profondeur magistrale, vous avez l’impression que les arômes vous remontent directement au cerveau.

Au palais, le coté crémeux et sensuel dénué de toute agressivité est un véritable délice à vous faire clore les paupières de plaisir. Un goût de cerises noires et d’épices douces et chaleureuses souligné par l’onctuosité étrange du beurre d’amandes. Puis une sensation de noix de muscade, de céréales, de sucre glacé et de vanille sur le retour. Le crémeux de ce whisky est juste incomparable. La finale est un peu brève, surtout en rétro-olfaction, mais malgré cela elle est chaleureuse et ample, épicée, toastée (amande grillée) évoquant enfin le chêne, le chocolat au lait et le biscuit sablé, le tout sans jamais la moindre agression et en toute harmonie.

agression.

J’avais été éminemment déçu par le Redbreast 15 ans (surtout eu égard à son prix). En passant par le Bushmills 16 ans, j’avais compris qu’il n’était pas forcément nécessaire de dépenser près de 100 euros pour pouvoir satisfaire ses délires monomaniaques d’exclusivité mariés à une qualité évidente. Cet Hedonism coûte cher pour un blend, et il coûte cher tout court. Cependant, après avoir passé quelques soirées en sa compagnie, je peux affirmer qu’en termes de douceur, de complexité et d’élégance, je n’ai absolument aucune autre bouteille à lui opposer. Une création fantastique, indispensable, qui déroute par la facilité avec laquelle elle séduit. S’il ne devait en rester qu’une, peut être bien que ce serait celle-là.

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Logo

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Hammerhead “1989” 40.7%

stalineAfin de nous plonger avec nostalgie dans l’esprit soviétique, laissez-moi vous conter cette chaleureuse légende selon laquelle Staline et Churchill avaient pour habitude d’échanger pour Noël des bouteilles de whisky. Alors que le Britannique possédait, comme chacun le sait, une très nette connaissance (aussi bien technique qu’empirique) en alcool,  Staline quant à lui se retrouvait toujours mécontent de la piètre qualité de ses propres cadeaux. Ainsi, il décida de déporter en Sibérie des responsables du ministère alloué à l’alimentaire afin de lui préparer un whisky de prestige qu’il pourrait offrir l’année suivante (ce qui amènerait à conclure que Joseph Staline s’y connaissait assez peu dans l’art de la distillerie).

Intimement lié au destin de l’URSS, L’Hammerhead est un whisky qui peut se pâmer d’être exceptionnel et absolument exclusif, ne serait-ce que pour son histoire.

Tchécoslovaquie communiste. En 1989, la distillerie Pradlo, située non loin de la ville de Plzeň et spécialisée jusqu’alors dans la production de spiritueux de grande qualité, se voit ”proposer” par ses élites locales de concevoir un whisky d’une qualité sans précédent. Avec d’infinies difficultés, la distillerie parvient à obtenir la machinerie en acier utilisée dans la plupart des distilleries écossaises traditionnelles appelée un “cast iron hammer mill” (comprendre une série d’alambics à colonnes, complété par un wash still, un spirit still, etc.) par opposition avec les alambics plus contemporains étant pour la plupart en cuivre.

La distillerie utilise une orge tchécoslovaque et les eaux de la région (Plzeň se situant au confluant de quatre rivières locales). Elle fabrique elle-même ses tonneaux de chêne, également avec du bois local, et parvient enfin à créer son whisky de fabrication cent pour cent Tchèque quelle que soit l’étape de sa production. Un single malt absolument unique au monde. Malheureusement, l’Histoire avec un grand H rattrapa les ambitions de Pradlo, et après la chute du Mur de Berlin, la distillerie se retrouva absolument abandonnée.

Presque vingt ans plus tard, la compagnie Stock Spirits racheta presque à contre cœur la distillerie et tout ce qu’il y avait dedans… Sans même avoir connaissance de la présence du Hammerhead qui patientait tranquillement dans ses fûts en chêne, attendant d’être découvert par une bande d’étudiants post-communistes aventureux et bourrés, ou mieux, par un professionnel de la distribution d’alcool. S’il existe aujourd’hui une édition “introuvable” de 20 ans et une autre de 23, c’est probablement que l’unique production originale a été fractionnée, la première partie mise sur le marché en 2010, et la seconde (estampillée “nouveauté” sur les sites spécialisés) proposée tout récemment.

HammerLa bouteille en elle-même n’est pas sans rappeler les lignes de celle de la très cosmopolite et exagérément moyenne Absolut Vodka, et son étiquette collée de travers et ornée de ses caractères agressifs achèvent de trancher très nettement avec la pléthore de bouteilles de whiskies aux formes assez banales et aux étiquettes vintage et bien polies. Je regrette un peu d’avoir un bouchon en liège synthétique plutôt que naturel, mais il va bien falloir s’y faire vu qu’on commence à en trouver sur des bouteilles de vin rouge à 40 euros. Comme d’habitude avec une bouteille fraîchement ouverte, mieux vaut se faire une idée olfactive à l’aide d’un verre plutôt que du col de bouteille… Et ce nez a vraiment un petit quelque chose qui retient l’attention. Il est très doux et presque velouté, évoquant en premier lieu des notes florales et légèrement boisées pour se développer sur une impression très légèrement acidulée : l’écorce d’orange, le citron, et une discrète touche de pêche au naturel. Une fois au palais, le whisky retient ces caractéristiques et en prolonge le plaisir ; il est doux et sans la moindre agressivité et nous renvoie à ses notes florales évoquant parfois le coté iodé d’un Oban (en beaucoup, beaucoup plus léger), et suggérant presque l’odeur des nénuphars. On retient également le fruité et la petite touche boisée qui amène à une conclusion un peu sèche. La finale est longue et agréable, nous laissant partagé entre les fruits et la vanille pour se terminer langoureusement et avec douceur sur un goût de citron et un très discret goût de menthe.

Cette bouteille est exclusive. Bien plus qu’un Bushmills ou qu’un Redbreast. Tout d’abord car le whisky est disponible en quantité très limitée de par son histoire, et ensuite parce qu’il est original. Toutefois être original ne suffit pas à être bon (un état de fait qui s’applique à bien plus de choses que juste aux whiskies, histoire d’apporter une touche de philosophie à cet article) et cet Hammerhead, s’il charmera ceux prêts à tenter quelque chose de plus inédit qu’un Aberlour ou qu’un Talisker n’en demeurera sans doute pas moins trop orignal pour d’autres. J’aurais aimé qu’il ait un peu plus de maturité, et que cette maturité se traduise par des notes fruitées un peu plus persistantes et plus marquées. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une bouteille élégante, éloignée des sentiers battus et en même temps ayant suffisamment de repères traditionnels (saveurs boisées, vanille) pour trouver son public, lequel devrait se faire un plaisir d’exhiber fièrement ce fleuron de l’alcool de prestige Tchèque inexorablement amené à disparaître.

  récemment.

PS. Ma bouteille est la version “introuvable” de 20 ans d’âge. La nouvelle version de 23 ans serait, à en croire La Maison du Whisky “ beaucoup plus mature et profonde, conservant sa fraîcheur initiale, et considérablement étoffée pour proposer des notes pâtissières qui évoquent une galette des rois.”. Si ce que vous avez lu plus haut vous a séduit, alors vous aurez peu de chance de vous tromper en vous décidant pour cette version actualisée du Hammerhead.

Hammerhead.

Hammerhead.

Hammerhead.

Amrut Fusion 50%

Amrut 01Vous avez déjà goûté à un vin rouge Moldave (ou Géorgien, je me rappelle plus). Maintenant, que diriez-vous de tremper vos lèvres dans un whisky indien ? Après d’intenses recherches, je me suis rendu compte que les Indiens étaient au top dans certains domaines : aéronautique, aérospatiale, systèmes de sécurité, etc. Ce sont les créateurs de la fameuse Tata (la voiture la moins chère du monde qui prend feu toute seule), et les sauveurs en 2008 d’un pan tout entier de l’automobile, Jaguar et Land Rover pour ne pas les citer.

L’Amrut Fusion n’est pas un whisky pour tout le monde. En fait, je ne suis même pas certain que ce soit un whisky pour moi  (j’aime pourtant à penser qu’au plus c’est exclusif, au meilleur c’est. Comme une montre dont les aiguilles ne seraient plus illuminées grâce au tritium mais avec du plutonium pur par exemple). Ainsi, il y a plusieurs choses inquiétantes avec ce whisky. Outre la crainte classique de boire un alcool distillé avec l’eau du Gange histoire de lui conférer un aspect “produit local”, le plus gênant reste que l’Amrut est un Single Mat âgé en fûts de chêne, mais qu’il n’y a aucune trace de date ou d’un âge quel qu’il soit sur la bouteille. Les conditions parait-il  “exceptionnelles” dans lesquelles le whisky serait distillé lui permettrait en seulement trois ans d’atteindre la maturité d’un Scotch de dix ans. Ouais… “D’ici à ce qu’on se retrouve avec une bouteille artificiellement maturée” pensera l’homme d’expérience.

 d’expérience.

Pourquoi donc se lancer sur un produit si étrange et atypique ? Hé bien parce que certains jugent ce Fusion comme punchy, fruité et vivant alors que d’autres lui reprochent le fait d’être une vague expérimentation chimique qui sonne faux et artificiel à chaque essai. Avec des avis aussi opposés, pourquoi ne pas essayer soi-même ? Cette création conjointe de Jim Murray (aucun rapport avec Bill Murray malheureusement) fut nommé “World Whisky of the Year” par le populaire et controversé blog Malt Advocate Magazine. Nul besoin, cela dit, de se sentir impressionné par ce genre de titre honorifique qu’on donne aujourd’hui à peu près à n’importe quoi et n’importe qui (un peu comme le Prix Nobel).

Amrut

Ce whisky est très riche au nez, s’articulant sur des notes acidulées de citron, d’orge, de tourbe et d’épices fruitées. On décèle une petite douceur crémeuse qui donne cependant l’impression d’avoir de la peine à exister derrière le citron et la tourbe. Le palais est vraiment explosif en terme de saveurs. Il commence en étant très doux, puis en un instant devient très sec, distillant sa tourbe, ses notes de fruits très présentes ainsi que des touches de charcuterie fumée (m’évoquant certains Aloxe-Corton), de sherry et de chocolat noir. Je retrouve un peu sur le fond les sensations que j’avais connu avec un très jeune Port Ellen (un Pe4 ou un Pe5, que j’aurais sans doute plus pris le temps d’apprécier sur le moment si j’avais connu son prix), ce cachet de jeunesse qui laisse s’exprimer certaines saveurs au détriments d’autres qu’on aurait souhaité, suivant ses goûts, plus présentes. La finale est très longue, moins sèche qu’au palais. Le goût de la marmelade dispensé de trop d’aigreur et les épices douces cèdent leur place à la tourbe, heureusement discrète, puis aux fruits verts un peu amers et au chêne.

 hêne.

Avant de tenter ce whisky, un avis éclairé m’avait prévenu qu’il s’agissait d’un bon Scotch plombé par une surenchère mégalo d’arômes artificiels. En définitive, ce qui m’aura le plus déconcerté fut le coté acidulé lié au fruits lors de l’olfaction. Pour le reste, l’Amrut Fusion est vraiment une création à découvrir. Pas vraiment complexe, et exempt de la classe de l’Hedonism, mais très, très riche dans ses saveurs, fougueux et séduisant par sa jeunesse. Sans doute pas le genre de whisky à boire une soirée entière, mais définitivement à savourer pour le plaisir de goûter à quelque chose de nouveau, d’atypique et, selon vos sensibilités, d’attachant.

attachant.

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Découvertes épicuriennes : la gamme Bushmills

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Découvertes épicuriennes : avril 2012

 red

 

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