Shoegaze ou la plaie des ostéos

Profil bas ou introspection sans gêne? Voilà la question que l’on se pose quand on voit pour la première fois un guitariste regarder ses « grolles » alors qu’il joue.

Si vous vous posez la question : Pourquoi ferment-t-il les yeux pour baisser la tête et se pencher en avant? La réponse pour les « shoegazers » est : « Ben… j’sais pas, c’est comme ça…« . Et c’est ça qui est intéressant, vous en conviendrez! Puisqu’ici, on n’a pas pour habitude de parler de ce qui va se passer, des dernières innovations, des derniers trucs à la mode, des hits, des best-sellers, des block-busters, des nouveautés chez…. mais plutôt des trucs qui nous font plaisir… comme ça… sans raison, des trucs qui nous interpellent et nous émoustillent, ou nous touchent, en se moquant du « qu’endiraton », cette réponse se veut être plus que satisfaisante.

J’aime vraiment l’idée de ne compter que sur le résultat de la production musicale pour faire passer les émotions, je déteste tellement ces lives où le chanteur lève ses mains et les choque pour appeler la foule à le suivre (hey!) et battre le rythme à l’unisson; je déteste encore plus ces ***nasses de chanteuses à voix qui ont l’air de pousser un truc invisible dès que ça devient un poil plus mélancolique!

no shoegaze

Pourquoi, comme des poètes improvisés, on aime tous, sans exception, regarder la mer (pour ceux qui le peuvent) un jour de beau temps et la regarder loin, comme pour en voir encore plus… inspirer… avoir des frissons dans la nuque et trouver ça extraordinaire? « Ben… j’sais pas, c’est comme ça…« .

Voilà l’intérêt du Shoegaze, c’est peut être bizarre pour la majorité, mais ça permet d’être aussi bien que dans son canapé en train de se régaler les papilles (et les mamilles… (merci Q’s pour cette vanne!)) avec un bon chocolat récolté dans son jardin un weekend de Pâques.

Le mot Shoegaze a été utilisé, la première fois dans un magazine anglais, pour définir ces musiciens qui étaient très concentrés sur leurs pédales d’effets…. Mouais…. Certains iront même jusqu’à faire une définition honteuse de précision en disant que le style musical s’appuie essentiellement sur des sons de distorsion et de fuzz. J’ai envie de dire : « Hey les gars, ça vous plait tant que ça de tout mettre dans des cases? Il vous faut une cause, un moyen et une conséquence à tout? ». Même si je trouve cette présentation du courant beaucoup trop limitée, je veux bien l’améliorer dans un premier temps et en tirer un élément de vérité dans un second temps. Pour cela, afin que ce soit très clair pour les néophytes, je vais m’appuyer sur un titre de Mogwaï (et oui Skew..! j’ai pas pu m’en empêcher), un titre assez facile d’accès.

Christmas Steps de MOGWAI (sur l’album Come On Die Young)

En entrée, une simple mélodie…puis à 40 s du début, elle est doublée. A 1,01 min, cette mélodie est enrichie par la seconde guitare qui finalise l’introduction du morceau (oui car, comme vous l’aurez remarqué, la piste fait 10,39 minutes). 9,09 minutes avant la fin, la basse entre en son clair et amène mélodie et lourdeur. Au bout de 2,06, une note de fraîcheur s’immisse avec de nouvelles fréquences qui sortent le morceau des profondeurs de basse.
Quand le compteur affiche 3,15 minutes, Mogwaï plonge l’ambiance, pour une minute, dans une redondance d’un thème qui crée un état suspensif très important dans le courant.
Et au bout de 5,15 minutes, le « bouzin » est lâché, disto sur fuzz et on y remet de l’Octaver…. avant de remonter l’échelle de la distorsion de la basse à 6,10 minutes. Puis le titre se détache de plus en plus au fur et à mesure qu’approche la fin pour finir dans une discrétion douce et intime comme pour dire « Pardon d’avoir lâché mes foudres dans tes oreilles ».

Alors, oui, dans le shoegaze il y a du bordel, il y a du gros son, il y a du noise… MAIS il n’y a pas que ça! Les mélodies sont très importantes, elles sont la base de l’ambiance que l’on prend le temps d’installer sur des sons très travaillés à partir de la foultitude d’effets accrochés aux pieds. C’est un peu comme regarder couler son café, ça peut paraître trop long, mais en fait, on ne se plaint jamais de cette « perte de temps » qui précède l’explosion gustative.

En conclusion, pour pouvoir parler de Shoegaze en soirée ou à votre prochaine répèt, voilà ce qu’il faudra retenir. C’est un courant artistique, aussi bien scénique qu’auditif, qui s’apparente au Rock alternatif voir au Post-Rock (le nom est lâché!) et qui consiste à proposer des émotions au fil des ressentis. Le Shoegaze induit de prendre son temps, de profiter et beaucoup d’insouciance. L’origine remonte bien avant l’appellation et j’en veux pour exemple de nombreuses influences comme le Velvet Underground, les Doors, Pink Floyd, Jimi Hendrix, l’ecstasy, l’invention de la musique électrique et la découverte du larsen, la recherche de satisfaction personnelle, le delay, les premiers accords que l’on apprend sur une guitare et que l’on fait tourner jusqu’à s’en détacher, le désir…

 

A écouter :

My Bloody Valentine – Isn’t anything

Cecilia Eyes

Mogwaï

Mazzy Star

Yndi Halda

This Will Destroy You

Red Sparowes

Air

The Black Rebel Motorcycle Club

Explosions In The Sky

Et tant d’autres….

5 Réponses

    • Vincent
      Perrau

      En abordant ces références, je parlais à la fois des ORIGINES de ce mouvement qui s’appuie sur ce plaisir personnel (presque masturbatoire). Hendrix en est un bon exemple à mon sens; à le voir sur scène, c’est du « sans-concession ».
      Concernant MOGWAI dont, vous l’aurez sûrement compris, nous sommes ultra-« fans », je les ai vu 3 fois en live et je peux assurremment dire que l’esprit shoegaze est là!

      Dans ce billet, j’ai essayé de proposer un panel large afin de donner envie au plus grand nombre d’approfondir le sujet.

      Une chose est sûre : votre remarque met en avant le fait que vous maîtrisez bien le sujet et je suis flatté que vous ayez pu tombé sur ce billet. J’espère que vous en avez appréciez le regard et le contenu quant même.

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  1. Grayson
    Grayson K.

    N’oublions pas de rendre également hommage aux pionniers et membres fondateurs du shoegazing, tous issus du début des 90s.
    Ride et son superbe album « Nowhere », la très injustement pas assez connue Catherine Wheel et son disque « Ferment », et enfin mes favoris : Slowdive et leurs deux oeuvres fondatrices « Pygmalion » et le plus controversé « Souvlaki », dont les titres Alison et Dagger font écho à chaque fois que je passe près d’une plage sur fond de coucher de soleil.

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    • Vincent
      Perrau

      C’est très juste tout ça!!! Fin connaisseur, je suis fier d’avoir un lecteur comme toi!
      J’aime bien Souvlaki même si je lui trouve une couleur trop 80’s, normal, album édité en 1993.

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