Imp imp imp... - Auto Reverse

Coventry, 1952. Michael Parkes, apprenti ingénieur chez Humber, reçoit pour ses 21 ans, une MG TD offerte par ses parents. Une seule condition lui est imposée: Ne jamais faire de course avec. 15 jours plus tard, son père apprend dans le journal local que Mike a remporté le championnat régional de Trial à son volant. Il expliquera:

Nous rêvions d’automobiles, nous concevions des automobiles, nous courions avec ces automobiles….

Entre 1952 et 1955, Mike et son acolyte Tim Fry écument bon nombre de championnats en Angleterre. La MG sera remplacée par une Frazer Nash puis par une Lotus. Ces épreuves leurs permettent aussi de rencontrer du beau monde. Ils deviendront très proches d’un certain Alec Issignosis, ingénieur en free-lance chez Alvis. Leurs discussions dérivent inévitablement sur les autos qu’ils rêvent de concevoir. Tous trois sont du même avis: il manque une compacte sportive sur le marché…

En 1955, cette idée a fait son chemin. Mike et Tim décident de rencontrer le directeur technique du groupe Rootes. Ils sont lassés de travailler sur les sérieuses et vieillissantes voitures de l’entreprise. Ils lui proposent de concevoir l’auto dont ils rêvent: un compacte économique, à vocation sportive. Étonnamment, le groupe décide de donner carte blanche aux deux jeunes ingénieurs de 21 et 24 ans pour développer le projet le plus ambitieux de l’histoire de son histoire.

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Naissance du projet « Limace »

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Tandis qu’ils s’attellent à donner vie à leur projet, la crise de Suez intervient. Nous sommes en 1956. Pour simplifier, suite à un différent territorial, le canal de Suez est fermé, les pipelines Irakiens torpillés et le pétrole devient inaccessible pour les Anglais. Son cours augmente et crée un marché pour de petites autos économes en carburant. Les micro cars allemandes débarquent et rencontrent un beau succès: BMW Isetta, Messerschmitt Kabinenroller…

Le groupe Rootes veut son auto économique. Le projet « Slug » étant en cours, il voit son cahier des charges modifié: Le duo doit créer une berline moderne, habitable, sportive et de petite taille. Elle doit atteindre les 100 km/h, transporter deux adultes, deux enfants et consommer moins de 5 litres aux cent…

Le point de départ sera le moteur arrière. La Fiat 500 et la BMW 700 utilisent déjà cette disposition car elle permet de conserver le maximum d’espace intérieur.

Lorsque Mike et Tim présentent leur projet, il utilise déjà une épure de suspension sophistiquée, mais pour des raisons d’économie il est mu par un neurasthénique bi-cylindre refroidi par air…

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L’accueil du directoire est mitigé. Le projet est recadré: s’il est entendu que le groupe considère la production d’une auto économique, elle ne doit pas être une auto au rabais: Les lignes doivent être valorisantes, la mécanique performante, le confort acceptable.

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Retour à la planche à dessin

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Pour la mécanique, Mike choisit le Coventry Climax:  Issus de motopompes, ces moteurs en aluminium sont conçus pour donner avec fiabilité le maximum de leur rendement en toute situation. Il en installe un dans une des Limaces et lui donne le doux nom de « Little Jim », en référence au pilote Jim Clark qui court à l’époque sur Lotus à moteur Climax.

Pendant ce temps, Coventry Climax travaille sur un nouveau bloc spécifique au groupe Rootes: Les composants du moteur sont modifiés pour allonger leur durée de vie et la cylindrée passe à 875 cc3 pour améliorer la souplesse. Bill West est appelé à la rescousse pour la boîte de vitesses, celle de Little Jim encaisse mal les fortes montées en régime de la nouvelle mécanique.

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Sur la partie châssis, l’épure de la suspension du projet Slug est reprise et revue. Révolutionnaire pour une auto de cette gamme, elle dispose de 4 roues indépendantes, d’amortisseurs hydrauliques et de ressorts hélicoïdaux. A l’avant, les triangles de suspension sont pris au milieu de la voiture tandis que l’arrière fait appel à une technologie à bras tirés afin de réduire l’effet sac à dos.

La boîte est exceptionnelle, la tenue de route ultra pointue: L’équipe est enthousiaste. Reste à donner un look convainquant à l’ensemble. Bob Sward et Tim Fries planchent dessus. L’auto doit pouvoir concurrencer les petites chez Ford et BMC.

Or, la base est complexe: mesurant à peine 3,5 mètres, elle doit emporter quatre passagers et leurs bagages et cacher son disgracieux porte à faux… Mais son moteur incliné à 45°, pour abaisser le centre de gravité, permet de tracer une ligne de caisse basse, optimisant au maximum la surface vitrée et lui donnant une silhouette fine et tendue. D’une hauteur équivalente à la Mini, les lignes largement inspirées par la Corvair vont caractériser toute la série et habiller avec élégance ce châssis si particulier.

Malheureusement, Alec, leur ancien compagnon de jeu les a pris de court: nous sommes en 1959, les prototypes de Mini commencent à circuler. Bien que disposant d’un moteur ancien, tout le reste de la technologie développée par la BMC est d’avant-garde: Traction, moteur transversal, suspension à cônes de caoutchouc…

Pour le groupe Rootes, il est trop tard pour faire marche arrière, la plate-forme du projet Apex et son design sont déjà figés. A la fin de 1960, Small Car Magazine commence  à publier des photos du projet « Ajax ». Cette succession d’événements pousse l’entreprise à accélérer la mise sur le marché.

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Entre 1961 et 1963, plusieurs autos font l’objet de tests en milieu hostile. Ecosse, Scandinavie, France, Italie, Kenya, des dizaines de milliers de miles sont parcourus pour mettre à l’épreuve les boites de vitesse, l’étanchéité, la tenue de route, le refroidissement…

Pendant ce temps, le groupe se prépare à l’industrialisation. L’état anglais imposant le développement de zones défavorisées, Rootes n’a pas la possibilité d’agrandir son usine de Ryton dans les faubourgs de Coventry. Ils doivent s’installer sur un nouveau site industriel à Linwood, près de Glasgow, 500 kilomètres plus loin…
6 000 écossais qui n’ont alors jamais travaillé sur une chaîne automobile sont embauchés et une technologie de premier plan est déployée pour produire les complexes blocs en aluminium de l’Apex.
Vous voyez le désastre arriver? Les blocs moteurs sont coulés à l’usine Rootes de Linwood, envoyés en train à Ryton pour être assemblés puis remontent à l’usine de Linwood où les coques fabriquées par la Pressed Steel Company les attendent pour l’assemblage final…

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La présentation se fait en 1963. La seule surprise pour le public viendra du nom, Imp, un petit lutin malicieux. Sur le papier, le pari est réussi: La Imp est encensée par la presse. Avec ses 715 kgs elle peut atteindre les 125 km/h. Sa tenue de route est jugée neutre et facile. Le Climax et ses vives prises de régimes sont un régal. La ligne plaît et l’équipement enchante, tout en tranchant avec sa concurrente la Mini: Lunette ouvrante, banquette rabattable, starter automatique et accélérateur pneumatique (une durit d’air comprimé remplace le câble, génial pour se créer des ennuis).

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Bad engineering

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En dépit de milliers d’heures de tests la voiture est née trop précocement, la nouvelle usine de Linwood n’est pas rodée, les défauts de fabrication s’accumulent… En 1964 elle comptera 31 grèves stoppant la production.

Résultat: La Imp surchauffe, sa coque prend l’eau, le starter automatique ne marche pas, les moteurs sont poussifs…

Et le Lutin est tout de suite moins malicieux lorsque l’on s’aperçoit qu’il ne passe pas les normes américaines. Ses phares sont trop bas. Comme Mike Parkes est attelé à d’autres projets, il est décidé de corriger le tir en surélevant la voiture. La tenue de route est ruinée: le carrossage est devenu négatif, la Hillman sous-vire, puis sur-vire…

C’en est joué de l’Imp: sa mauvaise réputation est faite et la suivra durant toute sa commercialisation.

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Ze Zimp

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Comme tout le monde à l’époque, le carrossier Zagato veut se diversifier vers le bas. Sentant que la base de l’Imp possède un certain potentiel, il se rapproche du groupe Rootes pour en élaborer une version coupé à carrosserie en aluminium. Un accord verbal amène l’entreprise à créer une succursale en Angleterre afin de contourner les taxes d’importation anglaises, et en 1964, la British Zagato Ltd. s’installe à Kingston-on-Thames pour fabriquer ses premières autos. Les coûts de production sont établis à un peu moins de 1000£ par auto. Cela positionne la Zimp au niveau d’une Mini Cooper et permet de cibler une clientèle féminine haut de gamme, en compétition directe avec la Lancia Fulvia.

Zagato carrosse trois prototypes: deux autos neuves envoyées par le groupe Rootes à Milan et une Imp d’occasion.

En octobre 1964, au salon d’Earls Court, Zagato présente son auto. Terminée en toute hâte, on peut apercevoir les coups de marteau sur les tôles d’aluminium de l’auto, mais le dessin d’Ercole Spada est sublime: les lignes vives et tendues exploitent au mieux la base mécanique de la Hillman.

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Là encore, l’affaire jouit de malchance. Rootes est obligé de laisser entrer Chrysler Europe au capital: La Imp ne se vend pas comme prévu, l’usine de Linwood a sévèrement endetté le groupe et la production du bloc Climax s’avère plus coûteuse que prévu… Résultat: Chrysler possède suffisamment de pouvoir pour poser son veto aux projets du groupe. La Zimp est la première à pâtir de ce joug.

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Badge engineering

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Résumons: Hillman met sur le marché une voiture super chouette à conduire, avec un moteur génial, mais pas fiable du tout. Du coup, personne n’en veut et ça les arrange bien puisqu’ils n’arrivent pas à la construire correctement. Comment empirer la situation? En semant la confusion.

Octobre 1964: la marque Singer lance la Chamois, une Imp améliorée avec tableau de bord boisé, sellerie vinylée noble et des compteurs en pagaille surveillant l’impétueuse mécanique. L’atout du modèle: Tout un catalogue de couleurs tristes du bordeaux de croque-mort au marron terrifiant.

1965: arrivent déjà les Imp et Chamois MkII. Extérieurement, elles se reconnaissent à leur badge: c’est marqué MkII dessus. L’usine avait tellement réalisé de changements sur l’auto de base qu’il fut décidé de la badger ainsi afin de réconforter la clientèle. Citons, parmi les grands changements: Disparition du starter automatique, de l’accélérateur à dépression (qu’est-ce qu’on vous disait plus haut?), traitement anti-rouille de certaines parties sensibles, retrait des bagues de direction en Téflon, meilleur ventilateur, meilleure pompe à eau…

Au même moment arrivent la Commer Van, la Super Imp et la Rallye Imp. Le Van est un utilitaire tôlé à la garde au toit rehaussée, la Super Imp est une version mieux équipée qui s’insère entre la Imp classique et la Chamoix. Enfin, la Rallye Imp est une version d’homologation. Rare, elle bénéficie de 70 chevaux sur un moteur réalésé et d’une suspension améliorée. La mécanique étant complexe à mettre au point, cette version ne sera fabriquée que sur commande et contre la volonté de Hillman. Mais le magazine Motorcar va tellement encenser la nouvelle concurrente de la cooper que plus de 1000 Rallye seront immatriculées.

Octobre 1966: sortie des Sunbeam Imp Sport et Singer Chamois Sport. La puissance du Climax est portée à 55 chevaux.

Janvier 1967: Hillman Californian, version coupé.

Avril 1967: Singer Chamois Coupé, au passage, Hillman lance la Husky Estate, version vitrée familiale du Van.

Octobre 1967: apparition de la Sunbeam Stiletto

Octobre 1968: Lancement des MkIII: Tableau de bord revisité, calandre 4 phares pour les Chamois, disparition de la marque Commer, le Van reprend la marque Hillman. Changement du carrossage avant pour tous les modèles.

Octobre 1969: Introduction d’une Imp basique

Avril 1970: Fin de la marque Singer et des modèles Chamois ainsi que du modèle Hillman Californian.

Juin 1972: Retrait de la Sunbeam Stiletto

Septembre 1973: Fin de la Imp basique

Mars 1976: Fin de production de la Imp. Le groupe Rootes est renommé Chrysler Uk, la Talbot Sunbeam remplace la Imp

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Les cousins

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La base de la dernière Rootes étant bonne, elle va donner beaucoup d’idées à de nombreuses petites marques. Citons, par exemple:

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Bond 875

Bond 875

Contrairement à la plupart des autos à trois roues, la Bond 875 va choisir le moteur de la Commer Van et conserver sa disposition arrière. Le résultat: un meilleur équilibre en virage et une incroyable capacité à cabrer une fois le coffre un peu rempli…

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Clan CrusaderClan Crusader

Que vous êtes de mauvaise foi… Cette auto est une pure merveille: Vendue plus cher qu’une Triumph GT6, elle reprenait le châssis de la Imp Sport et proposait de profiter de ses effrayants 55 chevaux dans une coque en plastique construite dans un garage. Comble du bonheur, elle était livrable en kit. 375 personnes ont cédé à ses charmes très discrets. (un jour nous vous parlerons de la Quantum sur base Fiesta. Nah.)

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ginetta g15Ginetta G15

Moteur, boîte et suspension arrière proviennent de l’Imp sport. Il faut le reconnaître, l’auto n’est pas laide. La G15 sera la première Ginetta de route à atteindre un volume de ventes conséquent: 796 entre 1967 et 1976…

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Davrian Mini Mk8 3Davrian Demon

… Kit car anglais, la Davrian possède beaucoup plus d’ambition que de sérieux. Avec un peu de recul, l’enthousiasme autour de cette auto rappelle celui des constructeurs d’hyper car modernes tels que W et leur Lycan…

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Pourquoi pas une Imp, aujourd’hui?

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Les conducteurs de l’époque riaient en disant que la différence entre une Mini et une Imp, c’est le sens dans lequel vous arrivez dans l’arbre en sortie de virage…

Les deux donnent finalement le même niveau de performance sur route sinueuse: Quand la mini se cale sur ses appuis et s’autorise une légère dérive du train arrière, la Imp tend à sous virer légèrement. Sa meilleure motricité lui permet toutefois de sortir plus vite. Mais au prochain virage, la Mini vous repassera devant: Elle est plus légère et freine beaucoup mieux. Si le moteur de la Hillman présente plus de vivacité que celui de la Mini, les performances se valent: la Imp est plus puissante mais plus lourde de 100 kilos.
C’est sur le ressenti plus que la différence se fait: La Imp propose une ambiance un peu plus sportive, avec plus de caractère. Le moteur arrière rend aussi la Imp plus confortable, les bruits mécaniques étant mieux atténués car plus loin du conducteur…

Que l’on regarde sur Leboncoin, Leparking, Ebay.uk ou rustimpvendresavoiture.fr, les Imps sont rares. La côte est évaluée à 4 000 €. Mais un rapide regard aux survivantes fait facilement état du double. Les Imps ont vieilli, leur restauration coûteuse se ressent dans les prix du marché.

Si vous désirez franchir le pas, préférez une MkII voire une MkIII, bien mieux fabriquées. Ces modèles sont bien entendu touchés par la rouille et en bonnes monocoques, elles sont un cauchemar à restaurer. Bonne nouvelle: les pièces se trouvent.

Pour choisir votre Imp, n’hésitez pas à regarder dessous en quête d’éventuelles traces de corrosion. Vérifiez bien l’état du circuit de refroidissement et regardez comment le moteur monte en température. Si la boite vous semble dure ou que le moteur est poussif, un conseil: repartez les mains vides.

Enfin, ne vous formalisez pas trop sur les modifications qu’elles ont pu recevoir: Les Imp ont toujours représenté d’excellentes bases de préparation.

Au total, ce seront 440 032 Imps et dérivés qui sortiront des usines écossaises de Linwood. Cas d’école, la Imp fait partie des grands ratés de l’histoire automobile. Il en reste aujourd’hui une auto extrêmement atypique, conçue par des passionnés, construite avec… beaucoup de bonne volonté. Rare et sympathique, elle constitue une vraie alternative originale et amusante à la Mini.

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Sources:

Imp: The complete story par Georges Mowat-Brown – imps4ever.inforootes-chrysler.co.uk – Independant.co.uk

2 Réponses

  1. Peurey Bertrand

    Très bel article, très bien documenté sur les Imp est ses dérivés. N’hésitez pas à contacter le Classic Sunbeam & Rootes de France si vous désirez réaliser des articles sur d’autres autos « oubliées » du groupe Rootes.
    Bien cordialement.

    Répondre
  2. Pièces Auto

    Trop rares sont les Imp j’admets… En plus rares sont ceux qui connaissent cette voiturette (bien joué !). Après les Ruger MK font un peu trop m’as-tu-vu je trouve, enfin ce n’est que mon avis.
    Mais bon, rien que pour un petit parfum d’histoire, je ne serais pas contre le fait qu’on la reprenne la production en version moderne !

    Répondre

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